La Galerie &co119 accueille, jusqu’au 26 octobre, Late Night Tales, une exposition regroupant trois séries de la photographe australienne Sophie Gabrielle. Un voyage somptueux dans un univers sombre et ritualiste.
« J’ai commencé la photographie à l’âge de 13 ou 14 ans, en empruntant le Fisheye d’un ami, et je n’ai jamais arrêté depuis. Je viens de Canberra. La capitale australienne est super lorsqu’on décide de prendre sa retraite, mais pas vraiment stimulante pour les jeunes. J’ai commencé à photographier des soirées disco là-bas, en me demandant : est-ce là tout ce que je vais faire de ma vie ? »
Les mots de Sophie Gabrielle, jeune artiste de 26 ans, résonnent dans la Galerie &co 119. À travers son récit, on devine une soif de liberté et un besoin intense de créer. Peu après cette époque, elle déménage à Melbourne, où elle étudie le 8e art et découvre l’univers du fine art. Un coup de foudre poétique qui la pousse à réaliser ses premières séries.
L’exposition Late Night Tales regroupe trois projets de Sophie Gabrielle, croisant les notions de rituels et d’ésotérisme, de psychologie et de surnaturel, entre autres. Dans un univers noir et blanc, la photographe nous invite à errer dans les méandres de l’esprit, et à contempler l’art pour mieux le comprendre. « La spiritualité et la psychologie sont liées. Une thérapie, par exemple, ne fonctionne que si l’on est prêt à l’accepter. Il faut apprendre à s’ouvrir – à l’art également », déclare-t-elle. Les travaux présentés, Worry for the fruits the birds won’t eat, WIP: Weeping Rock et BL_NK SP_CE, semblent ici dialoguer et sublimer les contrastes de chaque œuvre : le physique et l’invisible, les émotions qui effleurent la surface ou s’infiltrent en profondeur. Un ensemble délicieusement mystérieux.
Science, poésie et art
C’est l’idée du rituel qui rassemble les images de l’artiste. Çà et là, ses thèmes et symboles fétiches apparaissent, comme des clins d’œil au sein d’une œuvre vaste. « Les mains, et les gestes que nous leur faisons faire, les yeux, les cercles et les trous, les plantes botaniques, qu’elles soient médicinales ou empoisonnées, la science… » énumère-t-elle. C’est d’ailleurs après avoir découvert l’IRM d’un cerveau de rat que Sophie Gabrielle a commencé à s’intéresser à l’imagerie scientifique, et à ses monochromes au grain organique. « J’adore mélanger la science, la poésie et l’art », déclare-t-elle. Dans chaque image, cette dimension obsessive se dévoile, révélant d’infimes détails. Pour réaliser sa série Worry for the fruits the birds won’t eat, composée de portraits et d’images d’archives documentant des expériences savantes du passé, la photographe a placé chaque image dans des plaques de verre, les laissant des semaines à plusieurs mois dans des endroits précis afin de récolter des peaux mortes de quelques passants – sa famille et ses amis et elle-même. Les débris créant une étrange atmosphère astrale. « Il pourrait s’agir de sortes d’autoportraits abstraits », s’amuse l’auteure.
WIP: Weeping Rock s’inspire de l’histoire d’un roi déchu, qui fut décapité ainsi que ses cinq fils, leurs corps sans tête ensuite portés jusqu’à un bassin pour les purifier. Aujourd’hui, ce thermes rempli de sulfure est reconnu pour ses vertus thérapeutiques, attirant des visiteurs qui viennent rincer leurs yeux dans l’eau afin de soigner leurs infections. Un geste aussi surréaliste que touchant. Sans se soucier du réel et de ses implications, Sophie Gabrielle s’attache à représenter l’attachement et la dévotion des hommes face à leurs croyances. Au cœur d’un conte visuel splendide, elle bouscule la réalité et invite l’onirisme dans un quotidien trop ennuyeux. Un voyage inoubliable dans des terres lointaines et imaginaires.
Jusqu’au 26 octobre 2019
Galerie &co119
119 rue Vieille du Temple, 75003 Paris
© Sophie Gabrielle / Courtesy Galerie &co119