Un an et demi de route en camion, seul, de la mer d’Iroise à la mer du Japon – soit 60 000 km à travers pas mal de pays – le défi était de taille.
Le parcours de Simon Tanguy n’a rien d’un récit de voyage ni d’un énième carnet de route plus ou moins exotique, comme on peut en croiser à travers les pages des magazines. Il s’agit ici d’un ensemble d’une cinquantaine d’images en noir et blanc qui témoigne d’une errance désirée.
« Almost Home est un recueil descriptif du rejet des repères, de l’appel du néant, de cet élan vers le renouveau, de ce plongeon dans l’inconnu », précise le photographe qui a attendu une dizaine d’années avant d’utiliser le Leica M6 que son père René – celui qui est parti sur les traces de Kerouac –, lui avait offert pour ses 18 ans.
Pas facile d’être le fils d’un photographe, surtout quand son grand-père donnait de ses nouvelles à travers des Kodachromes faites lors de ses déplacements à l’étranger, et que son arrière-grand-père faisait déjà des piges photo pour la presse locale. Un héritage pas toujours simple à endosser. Alors Simon a aménagé son camion pour être autonome, il y a installé un labo noir et blanc rudimentaire et a décidé de tailler la route pour se confronter à lui-même.
De Brest à Vladivostok, passant par la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, la Lituanie, la Russie, la Turquie, la Mongolie ou le Japon, en s’arrêtant pour développer ses films et offrir des tirages aux personnes rencontrées, cette route a tracé un chemin initiatique qui répondait à un besoin. Et c’est bien cette nécessité qu’on ressent à travers les images de Simon, loin de tout esthétisme.
« L’errance est ce jeu sur la corde raide, ce chemin de funambule qui permet de vivre sur les routes d’un monde aux frontières de l’égarement et de l’épanouissement où le trouble jaillit de l’intensité de la sensation de perdition et de l’éphémère sentiment d’appartenance », poursuit Simon. Almost Home, presque ou bientôt chez soi, traduit une dimension existentielle qui ne laisse pas indifférent.
L’appel du lièvre
« Une brève rencontre avec un lièvre provocant, et mon chemin se mue en désert de solitude »,
explique Cédric Wachthausen, qui a lui aussi pris la route. Rien d’étonnant puisque « la route » est la thématique que développe l’édition de ce festival joliment baptisé Ailleurs. Longeant la baie du Saint-Laurent vers le Nord-Est canadien, là où les baleines se retrouvent, le photographe se laisse porter par son instinct et nous livre des images aussi fortes que délicates.
Mes yeux s’abiment, rivés sur l’asphalte. Je navigue l’esprit détraqué, hypnotisé par les lignes qui s’allongent devant moi. De loin en loin, des bâtisses éparses témoignent de rares vies humaines, nous dit-il. La force inouïe de la nature qui m’encercle m’apparaît comme une évidence, une vérité bouleversante.
C’est ce qu’on découvre à travers ses images qui jalonnent son parcours introspectif.
On peut explorer bien d’autres routes à travers les expositions présentées à Vannes jusqu’au 8 mai, comme celles du Voyage mexicain de Bernard Plossu ou des Errances de Raymond Depardon, entre autres. Autant de belles occasions pour aller voir Ailleurs, à Vannes.
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Découvrez toute la programmation de Ailleurs, sur le site du festival : www.ailleurs-vannes.fr