Ils s’appellent Marcel, Patricia, Hayley, Anca, Émile, Dariusz, Massoud, Xavier, Julie, Xu ou Charlie. Ils viennent d’Aubervilliers, de Chine, de Roumanie, de Cuba, du Sri Lanka, de La Réunion ou de Lyon. Certains sont musicien, jardinier, maçon, secrétaire, cuisinier, jeune fille au pair… et tous utilisent les bains-douches parisiens, un service devenu gratuit en 2000.
L’histoire de ces établissements remonte à la fin du XIXe siècle, et répond à un projet hygiéniste à l’initiative de sociétés philanthropiques. Un succès immédiat repris par la ville qui en a fait construire vingt-et-un dans ses quartiers les plus denses de l’est, jusqu’en 1940.
On compte aujourd’hui dix-sept douches municipales en activité, et la mairie de Paris estime à environ un million le nombre d’entrées de personnes qui viennent s’y laver chaque année. Une réalité passée souvent inaperçue, dont Florence Levillain a pris conscience en discutant avec des SDF lors de permanences à l’association Mains libres, qui met à disposition une Bagagerie où les personnes peuvent déposer leurs affaires en toute sécurité. « Pour moi, c’est plus important d’être propre que de manger », lui confiera l’un d’eux.
La photographe découvre alors tout un réseau d’adresses que se transmettent celles et ceux qui tiennent à rester propres malgré leurs vies chahutées. Un de ces établissements se trouve justement à côté de chez elle, tout près de l’école où elle dépose sa fille tous les matins.
Miroir sans tain
« J’ai souvent l’habitude de dire qu’il y a la planète Mars au bout de la rue, et qu’on peut faire un voyage visuel incroyable en découvrant des univers qu’on croit connaître, mais qu’on ne connaît pas »,
explique Florence Levillain. Une manière de penser qui lui sert de boussole dans ses travaux, pour lesquels elle détermine toujours une écriture particulière. « D’un boulot à l’autre, j’ai horreur des systèmes. J’essaie de trouver ce qui est le plus adapté : reportage, studio, Polaroid… Un seul dispositif ne peut pas fonctionner avec tous les sujets », précise-t-elle.
En poussant la porte des bains-douches et en découvrant cet univers, elle a décidé d’en photographier les utilisateurs avec autant de soins que pour une commande, avec des éclairages, « pour montrer les gens au mieux de ce qu’ils peuvent être ». Un parti pris qui s’est imposé à elle quand un sans-abri lui a répondu qu’il aimerait « être photographié debout ». « Depuis que j’ai entendu cette phrase, ça a changé ma manière de travailler. Je ne peux plus photographier la misère dans le pire de ce quelle est. Je ne porte pas de jugement sur ceux qui le font, mais moi je n’en suis plus capable », lâche la photographe. Alors elle imagine un dispositif bien particulier…
L’intégralité de cet article est à retrouver dans Fisheye #23, en kiosque depuis le 10 mars et disponible sur
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