Précaires au sens propre

20 avril 2017   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Précaires au sens propre

Ils s’appellent Marcel, Patricia, Hayley, Anca, Émile, Dariusz, Massoud, Xavier, Julie, Xu ou Charlie. Ils viennent d’Aubervilliers, de Chine, de Roumanie, de Cuba, du Sri Lanka, de La Réunion ou de Lyon. Certains sont musicien, jardinier, maçon, secrétaire, cuisinier, jeune fille au pair… et tous utilisent les bains-douches parisiens, un service devenu gratuit en 2000.

L’histoire de ces établissements remonte à la fin du XIXe siècle, et répond à un projet hygiéniste à l’initiative de sociétés philanthropiques. Un succès immédiat repris par la ville qui en a fait construire vingt-et-un dans ses quartiers les plus denses de l’est, jusqu’en 1940.

© Florence Levillain / La France vue d'ici / Signatures
© Florence Levillain / La France vue d’ici / Signatures

On compte aujourd’hui dix-sept douches municipales en activité, et la mairie de Paris estime à environ un million le nombre d’entrées de personnes qui viennent s’y laver chaque année. Une réalité passée souvent inaperçue, dont Florence Levillain a pris conscience en discutant avec des SDF lors de permanences à l’association Mains libres, qui met à disposition une Bagagerie où les personnes peuvent déposer leurs affaires en toute sécurité. « Pour moi, c’est plus important d’être propre que de manger », lui confiera l’un d’eux.

La photographe découvre alors tout un réseau d’adresses que se transmettent celles et ceux qui tiennent à rester propres malgré leurs vies chahutées. Un de ces établissements se trouve justement à côté de chez elle, tout près de l’école où elle dépose sa fille tous les matins.

Miroir sans tain

« J’ai souvent l’habitude de dire qu’il y a la planète Mars au bout de la rue, et qu’on peut faire un voyage visuel incroyable en découvrant des univers qu’on croit connaître, mais qu’on ne connaît pas »,

explique Florence Levillain. Une manière de penser qui lui sert de boussole dans ses travaux, pour lesquels elle détermine toujours une écriture particulière. « D’un boulot à l’autre, j’ai horreur des systèmes. J’essaie de trouver ce qui est le plus adapté : reportage, studio, Polaroid… Un seul dispositif ne peut pas fonctionner avec tous les sujets », précise-t-elle.

En poussant la porte des bains-douches et en découvrant cet univers, elle a décidé d’en photographier les utilisateurs avec autant de soins que pour une commande, avec des éclairages, « pour montrer les gens au mieux de ce qu’ils peuvent être ». Un parti pris qui s’est imposé à elle quand un sans-abri lui a répondu qu’il aimerait « être photographié debout ». « Depuis que j’ai entendu cette phrase, ça a changé ma manière de travailler. Je ne peux plus photographier la misère dans le pire de ce quelle est. Je ne porte pas de jugement sur ceux qui le font, mais moi je n’en suis plus capable », lâche la photographe. Alors elle imagine un dispositif bien particulier…

Bains Publics-Levillain-OK SELECTION DE REFERENCE NOV 2016
© Florence Levillain / La France vue d’ici / Signatures
Bains Publics-Levillain-OK SELECTION DE REFERENCE NOV 2016
© Florence Levillain / La France vue d’ici / Signatures
Bains Publics-Levillain-OK SELECTION DE REFERENCE NOV 2016
© Florence Levillain / La France vue d’ici / Signatures
florence-levillain-SIGN-fisheyelemag-1
© Florence Levillain / La France vue d’ici / Signatures
florence-levillain-SIGN-fisheyelemag-2
© Florence Levillain / La France vue d’ici / Signatures
florence-levillain-SIGN-fisheyelemag-3
© Florence Levillain / La France vue d’ici / Signatures
florence-levillain-SIGN-fisheyelemag-4
© Florence Levillain / La France vue d’ici / Signatures

L’intégralité de cet article est à retrouver dans Fisheye #23, en kiosque depuis le 10 mars et disponible sur
Relay.com

Explorez
Theo Wenner : True detectives
Le sergent Brennan montre un impact de balle qui pourrait suggérer que le tireur a poursuivi la victime dans l'escalier avant de la tuer © Theo Wenner
Theo Wenner : True detectives
Theo Wenner est le premier photographe à avoir pu s’immiscer dans le quotidien de la division homicide du New York City Police...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 27.01.25 au 02.02.25 : Nouvel An lunaire et faits divers
Chambre 207 © Jean-Michel André
Les images de la semaine du 27.01.25 au 02.02.25 : Nouvel An lunaire et faits divers
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye évoquent le Nouvel An lunaire, qui a eu lieu ce mercredi 29 janvier. Dans le...
02 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
À la Galerie Magnum, Ernest Cole met en lumière les strates de l'apartheid
Ernest Cole House of Bondage © Ernest Cole/Magnum Photos. Shebeens and Bantu Beer. 1960s.
À la Galerie Magnum, Ernest Cole met en lumière les strates de l’apartheid
La Galerie Magnum, située dans une petite cour intimiste de la rue Léon à Paris, s’est transformée en un livre ouvert sur le travail du...
01 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La Filature présente l'exposition Ce silence est bruissant de paroles
© Arno Brignon
La Filature présente l’exposition Ce silence est bruissant de paroles
Jusqu’au 25 mars, La Filature de Mulhouse présente l’exposition Ce silence est bruissant de paroles, un travail collectif qui réunit les...
31 janvier 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Theo Wenner : True detectives
Le sergent Brennan montre un impact de balle qui pourrait suggérer que le tireur a poursuivi la victime dans l'escalier avant de la tuer © Theo Wenner
Theo Wenner : True detectives
Theo Wenner est le premier photographe à avoir pu s’immiscer dans le quotidien de la division homicide du New York City Police...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Prix Polyptyque 2024 : célébration des expérimentations et du livre photo
© Marion Ellena. Scrolling (de la ventana), 2023.
Prix Polyptyque 2024 : célébration des expérimentations et du livre photo
La Galerie Sit Down à Paris accueille les quatre lauréat·es du Prix Polyptyque 2024 pour une exposition conjointe qui se tient jusqu’au...
05 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Beggar’s Honey : Jack Latham s’immisce dans le monde clandestin des fermes à clics
© Jack Latham
Beggar’s Honey : Jack Latham s’immisce dans le monde clandestin des fermes à clics
Depuis dix ans, Jack Latham mène des recherches sur la naissance des théories conspirationnistes et la manière dont ces récits sont...
04 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #492 : battre le pavé
© Annissa Durar / Instagram
La sélection Instagram #492 : battre le pavé
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine s’emparent de la rue, l'arpentent, la figent, la saisissent. Détails chocs...
04 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger