Le Pavillon Populaire de Montpellier accueille l’exposition Une certaine étrangeté. Une rétrospective du photographe et guitariste de The Police, Andy Summers, marquée par le surréalisme, la poésie, et, bien sûr, la musique.
Qui est Andy Summers ? Les fans de rock le connaissent comme le guitariste du groupe mythique The Police. Au Pavillon Populaire, cependant, l’artiste se fait co-commissaire de sa première rétrospective Une certaine étrangeté – aidé de Gilles Mora directeur artistique du lieu culturel. Une immersion dans l’œuvre photographique de Mr Summers, profondément influencée par la musique, ses années sous les projecteurs, mais aussi par le surréalisme européen.
Au rez-de-chaussée, la promenade visuelle est accompagnée d’une bande-son contemplative, composée par le guitariste. Pensé comme un parcours musical, l’assemblage ne suit pas un ordre chronologique. Portraits à la volée, et compositions conceptuelles se mélangent et forment un ensemble insolite et plaisant. Le fil conducteur ? L’amour du 4e art, qui se devine dans chaque image. Un panneau lumineux affichant « Jazz », des musiciens de rue, une scène de tango… Même les images du quotidien semblent inviter le son : la pluie torrentielle, ou encore le bruit de la vaisselle dans un café bondé. Un univers étrange et mystique, composé de 145 images.
The Police, un récit au rythme effréné
Pourtant, à l’étage, une certaine frénésie se fait sentir. Voici l’espace consacré au tourbillon The Police. Sur les murs, les clichés s’enchaînent, des petits formats collés les uns aux autres, dévoilent un récit au rythme effréné – un écho au succès fulgurant du groupe. 250 photos forment une mosaïque folle et énergique, accompagnée par des textes d’Andy Summers, sortes d’entrées de journal ironiques et désabusées. « À Caracas, après un vol de l’enfer au-dessus des Caraïbes. Les vents étaient tellement violents qu’ils ont arraché une des portes de l’avion (…) je me suis accrochée comme un malade à mon siège, mort de trouille. Heureusement, c’était un vieux coucou à hélice qui ne montait pas plus haut que 10 000 pieds… ça fait une chute moins longue ! » peut-on lire sur les murs du Pavillon.
Mais la pièce rare de l’exposition prend la forme d’un documentaire de 80 minutes, réalisé par le guitariste, intitulé Can’t Stand Losing You – Inside The Police. Dynamique et passionnante, la vidéo relate la popularité croissante du groupe, son immense succès, et sa descente aux enfers. Les images retracent avec justesse les tournées épuisantes, les rares échanges avec leurs proches, les tensions palpables entre les trois musiciens – qui iront jusqu’à enregistrer un album dans des pièces séparées. Dans cet univers absurde, la réalité se brouille et tout devient floue. Une mosaïque de noir et blanc au cœur de laquelle Andy Summers découvre la photographie, un refuge pour tromper l’ennui et la colère – un art propre à lui, solitaire.
Une synesthésie envoûtante
Le soir du 7 février, Andy Summers a célébré l’ouverture de sa rétrospective avec un concert. Une improvisation à la guitare, devant un écran géant projetant ses photographies. « Il me semblait évident que je réalise ce genre de spectacle, un jour, déclare le musicien, en réponse à une spectatrice. La musique et la photo se mélangent à merveille, tout comme la musique et le cinéma ». Une osmose surprenante qui s’organise en thématique. Ses arpèges s’agitent lorsque les images capturent les rues de New York, et deviennent plus mystiques tandis que des images d’Asie défilent. La sensualité des accords sublime le corps nu des femmes, et les rythmes de bossa-nova illustrent un périple au Brésil. La moindre nuance est retranscrite en musique, jusqu’au détail d’une note aiguë, piquée et cinglante alors qu’apparaît une photo représentant une fourchette. Une synesthésie envoûtante.
Les répétitions sont nombreuses, et les photos se fondent les unes dans les autres – prisonnières d’un diaporama trop uniforme. Pourtant, le tout évoque une certaine transe. Une valse dans le quotidien tumultueux d’Andy Summers. « Je prenais des photos, mais j’avais plutôt l’impression de faire un tour de manège, la ville tourbillonnant autour de moi – un kaléidoscope de formes, d’ombres, de lignes, une convergence étonnante d’hommes, de bâtiments et d’avenues », précise le musicien. Un voyage musical qu’Andy Summers conclut en beauté, avec une reprise, très attendue, de The Police, le tube Message in a bottle.
Andy Summers, Une certaine étrangeté
Pavillon Populaire
Esplanade Charles-de-Gaulle, Montpellier
Jusqu’au 4 avril 2019
© Andy Summers