Il est environ 22h lorsqu’une trentaine d’officiers habillés en civil entrent chez Shahidul Alam dans le but de l’arrêter. Quelques heures plus tôt, le photographe avait publié une vidéo sur Facebook, exprimant son opinion sur les récentes manifestations étudiantes de Dacca. Une réaction rapidement réprimée par le gouvernement, venu appréhender Shahidul, après avoir pris soin de masquer avec du scotch les caméras de surveillance. « Je n’étais pas dans l’appartement, mais j’ai entendu un cri », confie Rahnuma Ahmed, la partenaire de Shahidul. « Les agents de sécurité m’ont ensuite appris qu’il avait été poussé dans une voiture, enlevé par la DB (les détectives de Dacca) ». Shahidul Alam est actuellement en détention provisoire, accusé d’avoir porté préjudice à l’État, par l’intermédiaire de sa vidéo.
De l’indignation à l’emprisonnement
Shahidul Alam, photographe, défenseur des droits de l’Homme, et fondateur de l’organisation multimédia Dirk, documentait, les jours précédant son arrestation, les manifestations de milliers de jeunes à Dacca réclamant une meilleure sécurité routière. Une réaction unanime, provoquée par la mort d’un adolescent sur les routes de la ville. Dimanche, alors que les tensions entre les manifestants et le gouvernement s’intensifiaient, les forces de l’ordre se lancent dans la foule en tirant des balles en caoutchouc et lançant des bombes lacrymogènes. Un spectacle qui touche profondément le photographe. Celui confie au Monde peu après « Les Bangladais n’en peuvent plus. Ils sont fatigués de la corruption généralisée, de la censure, des disparitions forcées ». Un cri du cœur d’une grande bravoure qui précipite les événements de ces derniers jours.
Amnesty International, alertée par la violence de l’arrestation, exige la libération immédiate de Shahidul. « Cette détention est l’un des symptômes de la répression intensive lancée par la police », explique Omar Waraich, le directeur sud asiatique de l’organisation. « Le gouvernement bangladais doit interrompre cette répression, les étudiants ont le droit de se réunir pacifiquement et de se sentir en sécurité ». Si la réaction touchante du photographe a provoqué une telle violence, il est important que celle-ci soit diffusée, afin de mettre en lumière les abus du gouvernement bangladais. #freeshahidulalam.
Shahidul Alam emmené au tribunal, 6 août 2018.