© Laure Maugeais.
En attendant que le soleil revienne cet été, nous vous présentons Laure Maugeais, une photographe qui habite la montagne et a travaillé dans le froid pour cette série En attendant que la neige fonde. Ce travail sera présentée aux Rencontres Photo de Castelfranc à partir de ce samedi 12 juillet.
Diplômée en anthropologie, en arts du spectacle mention “Cinéma documentaire”, ainsi qu’en management et politique culturels, elle explique que “ceci enrichit considérablement [son] écriture photographique”, et lui permet de “mieux cerner les enjeux du terrain”. Après être restée 5 ans au Kosovo où elle a découvert le métier de photoreporter, elle a déménagé en France.
Elle nous raconte la genèse de cette série : “En attendant que la neige fonde est né d’un constat simple, d’un sujet presque tabou : il y a de plus en plus de personnes vivant de façon mobile en montagne pendant les hautes saisons et particulièrement dans la vallée de Chamonix. La population tourne le regard ou lance son flot de critiques, mais ne fait rien de concret, puisque, même si cela fait des années que ça existe, personne n’est réellement allé à leur rencontre. Personne n’y a fait des photographies sur le long cours, personne n’a passé du temps avec eux.”
“Et puis des questions naissent : dans une vallée où les loyers sont extrêmement chers et où l’accès à la propriété est réservé aux bourses aisées, habiter mobile n’est-ce pas une alternative possible ? Dans quelle mesure, comment ? Et un dialogue est-il envisageable entre les populations locales et ces habitants, main-d’œuvre indispensable aux stations ? Quel regard portent les politiques sur ce sujet ? Pourquoi ce sont les services sociaux qui s’occupent des dossiers des saisonniers mobiles? Et au fur et à mesure du travail, des interrogations, des découvertes.”
“Fin été et automne 2012, j’ai commencé à prendre contact avec des habitants mobiles. Je leur ai présenté mon projet et mes travaux précédents. J’ai ensuite démarré le travail. Je ne photographie l’Autre qu’une fois un lien établi, une confiance posée, qui est essentielle puisque je ne travaille qu’en argentique. Les images ne sont visibles qu’une fois le film développé et scanné.”
“Je passe ensuite régulièrement, une heure ou deux, une matinée, un après-midi, une soirée… C’est très flexible. Certains m’appellent parce que quelque chose de particulier se passe ou simplement parce qu’ils sont en congés, donc plus disponibles.”
“Contrairement à ce que de nombreuses personnes peuvent penser, je ne vivais pas en permanence avec eux puisque j’habite en fixe, je suis locataire d’un appartement. Ceci aurait pu poser des difficultés à l’intégration, mais surtout aux observations participantes. Mais je me suis, en fait, plutôt bien intégrée.”
Le confinement et l’étroitesse des habitations ont pu lui poser des difficultés dans son travail, mais elle explique : “Ces habitats mobiles, même si ce sont parfois de grands bahuts, des poids lourds aux coquets intérieurs, restent étroits et limitent les déplacements. L’espace réduit m’a amenée à laisser de côté mon 50 mm pour le 35.”
Quant à la lumière, si particulière dans les montagnes enneigées, “[elle] m’a posé de nombreuses problématiques : la neige donne un contraste fort et un apport assez fou et disproportionné dans les intérieurs. J’ai finalement maintenu le travail en lumière naturelle, même si j’avais pensé à amener un petit néon d’appoint.”
Les autres difficultés? “Le regard des autres, parfois des gens proches, sur cette population et sur le motif de mon travail. Mais j’espère que mon travail pourra être présenté comme un outil de médiation et de sensibilisation entre employeurs, population locale et habitants atypiques, dans le cadre d’un nouvel accueil de début de saison pour les travailleurs (fixes et mobiles).”
L’ensemble du travail de Laure Maugeais est visible sur son site, et la série sera présentée aux Rencontres Photo de Castelfranc à partir du 12 juillet 2014. C.L.