Lars Von Trier : violence, sexualité, somptuosité

07 septembre 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Lars Von Trier : violence, sexualité, somptuosité

Jusqu’au 2 octobre, la Galerie Perrotin de Paris accueille Lars Von Trier, une exposition dédiée au réalisateur danois. Une collection de 24 photographies tirées de ses films – des œuvres aussi somptueuses que brutales.

Melancholia, Antichrist, Dogville, The House that Jack Built

… Dans l’espace blanc, immaculé de la Galerie Perrotin, les scènes tirées de la cinématographie de Lars von Trier se détachent et semblent sortir, en 3D, des murs. Depuis 27 ans, le réalisateur danois construit des œuvres fortes en émotions, et aborde, avec une esthétique toujours plus raffinée, des sujets controversés. Dans son univers, le sexe, la violence, la dépression… Les excès les plus inavouables de la race humaine sont mis à nus, révélés, sans la moindre pitié.

En 24 œuvres (un clin d’œil au nombre d’impressions par seconde sur la pellicule qui compose une image cinématographique) l’exposition conçue par Anna Lena Vaney et Malou Lykke Solfjeld propose un tour d’horizon des coups de génie du maître du 7e art. Ici, pas d’immersion dans les coulisses d’un tournage ni d’acteurs capturés en dehors de leur rôle. Seuls les plans, tirés tout droit des films, comptent. Terriblement envoûtants et incontestablement dérangeants. « Mes réalisations sont composées de milliers d’images individuelles, regroupées en séquences rapides pour créer l’illusion du mouvement », déclare Lars Von Trier. Et, plongé dans la contemplation de chaque « tableau », le spectateur ne peut qu’acquiescer.

© Lars von Trier and Zentropa Entertainments - ART von Trier, Freeze Frame Gallery. Courtesy Perrotin

L’art et l’insoutenable

Hommages aux grands peintres – La barque de Dante de Delacroix, Ophelia de Sir John Everett Millais – aux penseurs irrévérencieux (le Marquis de Sade), aux théoriciens du théâtre (Bertold Brecht et l’effet de distanciation), et même aux codes du manga… Dans le cinéma de Lars Von Trier, les références fleurissent, et les envolées se font lyriques. Autant de clins d’œil qui lui permettent d’entrer dans le subconscient du spectateur, de jouer avec son imaginaire, ses propres connaissances. « Il est possible que le public ne comprenne pas immédiatement ce qu’il voit – mais les images qui prennent forme au plus profond d’eux peuvent expliciter des choses qui sont difficiles à décrire avec des mots », commente le réalisateur.

Des mises en scène oniriques au réalisme le plus cru, ses films oscillent entre le beau et l’ignoble, l’art et l’insoutenable. Une palette de sensations que l’on découvre ou retrouve dans chaque plan exposé à la Galerie Perrotin. En grand format, chaque instant figé témoigne de la créativité de l’artiste. Du décor théâtral de Dogville, révélant un monde où la sphère privée n’existe plus, au corps nu de Kirsten Dunst dans Melancholia se fondant dans une nature luxuriante tandis qu’elle contemple, calme, la fin du monde. Du rapport sexuel entre He et She d’Antichrist, aussi macabre qu’érotique à l’œuvre final du tueur en série dans The House that Jack Built – qui organise ses victimes à la manière d’un chasseur fier de son butin… Le goût de Lars Von Trier pour croiser les genres, jouer avec le baroque le plus flamboyant comme le naturalisme le plus choquant marque les esprits. Et, face à ces tableaux photographiques, on n’a d’autre choix que de plonger – exalté ou épouvanté – dans cet univers sombrement séduisant.

 

Lars Von Trier

Jusqu’au 2 octobre 2021

10 impasse Saint Claude, Paris 3e 

© Lars von Trier and Zentropa Entertainments - ART von Trier, Freeze Frame Gallery. Courtesy Perrotin© Lars von Trier and Zentropa Entertainments - ART von Trier, Freeze Frame Gallery. Courtesy Perrotin© Lars von Trier and Zentropa Entertainments - ART von Trier, Freeze Frame Gallery. Courtesy Perrotin© Lars von Trier and Zentropa Entertainments - ART von Trier, Freeze Frame Gallery. Courtesy Perrotin

© Lars von Trier and Zentropa Entertainments – ART von Trier, Freeze Frame Gallery. Courtesy Perrotin

Explorez
Jet Siemons : combien de temps faudra‑t‑il pour qu’on m’oublie ? 
© Jet Siemons
Jet Siemons : combien de temps faudra‑t‑il pour qu’on m’oublie ? 
Dans Hannie & Billo – The Trail Project, Jet Siemons retrace la trajectoire d’un couple, Hannie et Billo, à partir d’un album photo...
18 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Le 7 à 9 de Chanel : Valérie Belin et la beauté, cette quête insoluble
© Valérie Belin
Le 7 à 9 de Chanel : Valérie Belin et la beauté, cette quête insoluble
L’heure des rencontres « 7 à 9 de Chanel » au Jeu de Paume a sonné. En cette rentrée, c’est au tour de Valérie Belin, quatrième invitée...
16 septembre 2025   •  
Écrit par Ana Corderot
Couldn’t Care Less de Thomas Lélu et Lee Shulman : un livre à votre image
Couldn't Care Less © Thomas Lélu et Lee Shulman
Couldn’t Care Less de Thomas Lélu et Lee Shulman : un livre à votre image
Sous le soleil arlésien, nous avons rencontré Lee Shulman et Thomas Lélu à l’occasion de la sortie de Couldn’t Care Less. Pour réaliser...
11 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #523 : loup y es-tu ?
© Ecaterina Rusu / Instagram
La sélection Instagram #523 : loup y es-tu ?
Photographier signifie souvent montrer, dévoiler, révéler. Pourtant, il arrive que ce qui se trouve de l’autre côté de l’objectif ne...
09 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les coups de cœur #559 : Danae Charalabidou et Frédérique Gélinas
Living In The Oblivion Of Our Transformations © Danae Charalabidou
Les coups de cœur #559 : Danae Charalabidou et Frédérique Gélinas
Danae Charalabidou et Frédérique Gélinas, nos coups de cœur de la semaine, s’intéressent aux dynamiques sociales et politiques qui...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les images de la semaine du 15 septembre 2025 : intimité réinventée
© João Mendes / Instagram
Les images de la semaine du 15 septembre 2025 : intimité réinventée
C’est l’heure du récap ! Questionnements existentiels, identité, archives étrangères ou personnelles… Cette semaine, l’intimité se trouve...
21 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nick Brandt, Charlotte Abramow et Maryam Firuzi : récit et héritage
© Charlotte Abramow
Nick Brandt, Charlotte Abramow et Maryam Firuzi : récit et héritage
Trois expositions, à découvrir jusqu'au 21 décembre, ouvrent la saison 2025 du Hangar à Bruxelles. Entre urgence climatique, récit intime...
20 septembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
What’s the word? Johannesburg! : L'Afrique du Sud se raconte à la Fondation A
© Afronova Gallery, Alice Mann, Siphithemba Mshengu, 2018.
What’s the word? Johannesburg! : L’Afrique du Sud se raconte à la Fondation A
Accueillie jusqu'au 21 décembre 2025 à la Fondation A, située à Bruxelles, l’exposition What’s the word? Johannesburg! nous présente le...
18 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot