Accueillie par la 193 Gallery, l’exposition collective Un manifeste de liberté fait honneur à la photographie contemporaine chinoise. Une création marquée par un désir de s’exprimer sans craindre une censure oppressante.
Censure, œuvres retournées sur les murs, photographies disparues… En Chine, la photographie doit faire face à des restrictions violentes. Ancien outil de propagande, seulement accessible aux membres du parti, le 8e art a subi une véritable métamorphose au cours des dernières années. Une transformation que le gouvernement n’apprécie pas. « En 2018, par exemple, le Lianzhou Foto Festival a subi de très fortes interdictions – une centaine d’œuvres ont été détériorées », précise Lisa Miquet, la curatrice d’Un manifeste de liberté.
Jeune, pétillant, l’exposition fait la part belle à la jeune photographie et réunit les œuvres de John Yuyi, Li Hui, Yuyang Liu, Lao Xie Xie, Su Yang, Ka Xiaoxi et Ren Hang. Sur les murs de la galerie, les corps se dénudent, et les modèles toisent le public, comme pour protester contre la présidence de Xi Jinping, et le renforcement radical de son emprise sur le reste du pays.
© Li Hui
Corps sensuels, corps-objets, corps libérés
« La jeunesse s’est emparée du médium photographique pour s’exprimer. Elle dénonce la censure, questionne la pression sociale, la brutalité d’une société, ou célèbre, tout simplement, la vie, l’amour et même sa singularité »
, explique Lisa Miquet. Dans la lignée de l’étoile filante qu’était Ren Hang, les auteurs se tournent vers leur quotidien pour exprimer leurs émotions. John Yuyi partage son amour pour l’art pop, et Lao Xie Xie sa fascination pour le cru. Su Yang et Li Hui explorent la douceur des corps, et l’intime, tandis que Ka Xiaoxi capture des fêtes délirantes et Yuyang Liu le monde urbain.
Faisant fi des conventions sociales, les artistes puisent dans leur vécu et livrent des œuvres frappantes, débordantes de vie. Nourris par la culture web, et l’histoire de leur pays, ils tournent leurs objectifs vers leurs propres états d’âme et s’affichent nus, sans crainte des conséquences. « Au cœur de cette exposition ? La sexualité, le genre, les conventions sociales, le couple, la fête et bien d’autres thèmes », confie Lisa Miquet. Corps sensuels, corps-objets, corps libérés… L’humain mis en scène par ces artistes est un être universel. Dans sa nudité, il invite le public à se mettre à sa place, vulnérable et honnête, prêt à partager ses émotions, à crier ses frustrations. Une collection d’images emblématiques d’une nation, et d’une génération.
Jusqu’au 18 octobre
193 Gallery, 7 rue des Filles du Calvaire, Paris
© à g. Lao Xie Xie, à d. Su Yang
© Su Yang
© à g. Ka Xiaoxi, à d. John Yuyi
© Ka Xiaoxi
Image d’ouverture : © Ka Xiaoxi