Dans Maurice, Charlotte Abramow met en scène son père, un personnage excentrique et attachant. L’ouvrage illustre la métamorphose d’un homme, tandis que les séquelles d’un cancer et d’un coma le transforment.
Maurice, c’est le père de Charlotte. Un personnage atypique, à la fois scientifique et rêveur, avec qui elle passe le plus clair de son enfance. « Il a pris sa retraite lorsque j’avais trois ans », précise-t-elle. En 2011, on lui diagnostique un cancer et, suite à une lourde opération, Maurice tombe dans un coma de 43 jours dont il ne ressortira pas indemne. « Le livre parle de ce travail de reconstruction », explique la jeune photographe. « Nous avons dû tout lui réapprendre… et puis, petit à petit, certaines parties de lui sont revenues ». L’amélioration progressive de son père et son propre déménagement à Paris donne à Charlotte le recul nécessaire pour démarrer ce projet. Une œuvre d’une grande poésie, naît alors, sorte de journal intime et complice, entre père et fille. « Maurice m’a beaucoup aidé. Il m’a appris à accepter la situation, à apprivoiser les nouveautés », confie-t-elle.
Un autre regard sur la vieillesse
Si le cancer marque le début de cette période douloureuse, c’est le coma, et ses séquelles neurologiques qui ont tout chamboulé. « Mon père devient la priorité, passe avant tout. Il n’exprime aucun de ses besoins, il faut les anticiper, les deviner et savoir y répondre. Comme un enfant. Assis à table, on le met devant son assiette avec ses couverts. Il ne fait rien : il a oublié qu’il faut venir prendre les couverts, puis les porter à sa bouche pour manger », raconte Charlotte. Pourtant, dans ses photos, le pathos est absent. Une douce rêverie emplit les pages de l’ouvrage. Lorsque la photographe sort son appareil, son père pose, devient acteur, et ses yeux pétillent. « C’est devenu un jeu entre nous », affirme-t-elle.
« Maurice est un message d’espoir », explique Charlotte. « Il pose un autre regard sur la maladie et la vieillesse ». Mais il met aussi en lumière les difficultés liées à la gestion des personnes âgées dépendantes. « On en compte 1,5 million en France, et ce chiffre va doubler d’ici 2020 », commente la photographe. « On redevient enfant, quand on vieillit », ajoute-t-elle. Dans Maurice, les grimaces de son père et les mises en scènes surréalistes évoquent tout autant la poésie que l’imagination enfantine. Entre nostalgie, onirisme et humour, Charlotte parvient à créer un univers à la fois doux et vrai. Un magnifique hommage à son père, décédé alors que la jeune artiste terminait son projet.
Charlotte Abramow sera présente à Paris Photo pour signer son livre, le 8 novembre à 16h et 10 à 14h.
Maurice, Fisheye, 45€, 292 p.
Disponible sur le site de la Fisheye Gallery
© Charlotte Abramow