Jusqu’au 6 décembre, Le BAL accueille un ensemble photographique de Miguel Rio Branco, réalisé au Brésil entre 1968 et 1992. Une collection d’images aux tons profonds révélant la beauté des lieux populaires.
Langueur, liberté, asphyxie, fluidité… Les images de Miguel Rio Branco sont faites de captivants contrastes. Fils de diplomates, l’artiste francophone a beaucoup voyagé, et pris l’habitude de s’immerger dans des cultures étrangères. Figure de proue de la création contemporaine, il expérimente avec la photographie comme avec la peinture, et laisse les différents médiums se nourrir l’un de l’autre. Il arrive pour la première fois au Brésil avant la fin de la dictature, et s’immerge dans les quartiers populaires, notamment celui de Pelourinho, situé au nord-est du pays. Un lieu tout en contradiction, autrefois riche grâce à l’esclavage, et désormais laissé à l’abandon.
C’est cette première errance, sans but, dans les ruelles sombres et grouillantes, qu’a représenté Le BAL. Diane Dufour et Alexis Fabry, les commissaires de l’exposition mettent en lumière les premiers travaux du photographe dans une scénographie singulière. Au sous-sol, l’espace d’exposition est aménagé pour représenter un cheminement urbain. Un parcours aux multiples points d’entrées au cœur duquel les visiteurs peuvent avancer au hasard, se perdre, et découvrir, au détour d’un virage, quelques images touchantes.
Capter l’énergie vitale des espaces
Si l’histoire du Brésil transparaît, dans les expressions des modèles et la dureté de leur quotidien, les images de Miguel Rio Branco ne se veulent pas documentaires. Au contraire, l’artiste ne recherche que l’esthétique, le symbolique. Influencé par la peinture, le photographe réalise des œuvres poignantes, sans perspective, où tout est frontal, saisissant. Les corps nous font face, parfois coupés, ou à moitié effacés. Pareil à un peintre, il place ses éléments, et réalise des œuvres réfléchies. Çà et là, des flous – discrets et maîtrisés – donnent à l’environnement une aura fantasmagorique.
L’artiste capte l’énergie vitale des espaces. La beauté des gens, la couleur des murs, la texture des routes. Il fige le mouvement avec une grâce formidable et joue avec les reflets des miroirs pour convoquer le surnaturel. Face à son objectif, par exemple, les sauts des jeunes pratiquant la capoeira deviennent des entrechats, dans une séquence hypnotique aux tons sombres qu’on ne peut lâcher du regard. Il nous semble manquer de souffle en pénétrant dans les rues insalubres de Pelourinho, aux côtés du photographe, tant les couleurs qui parsèment ses images nous invitent à goûter les bruits, les odeurs, l’essence des lieux. Une sensation prolongée par le livre accompagnant l’exposition, publiée aux Éditions Toluca, qui présente une collection d’images inédites, réalisées à partir de négatifs brûlés. Les traces laissées par l’incendie offrent aux clichés une dimension organique, suffocante.
Miguel Rio Branco, Éditions Toluca, 35€, 120 p.
Miguel Rio Branco, Photographies 1968-1992
Jusqu’au 6 décembre
Le BAL, 6 impasse de la Défense, Paris
© Miguel Rio Branco / Magnum Photos