Jusqu’au 19 mai 2022, la Galerie de la Cité internationale des arts accueille les travaux des artistes du collectif Tendance Floue. Missionné·e·s par le Forum des Vies Mobiles think tank, les photographes se sont penché·e·s sur la notion de mobilité en France et ses DOM-TOM. Un projet remarquable qui nous interroge sur ce qui fait de nous des êtres perpétuellement mouvants.
À la sortie de la station de métro Pont Marie, face aux quais de Seine, la vie s’anime. Jeunes écolier·ère·s, lycéen·ne·s ou étudiant·e·s, à pied, à vélo, en trottinettes ou à métro s’activent. Devant cette agitation se tient solennellement la Cité internationale des arts. En son cœur, une nouvelle exposition consacrée à la mobilité des Françai·se·s vient de s’ouvrir. Cette même mobilité qui, au-dehors déjà, se traduisait par les déplacements en rythme des Parisien·ne·s.
Commandée par le Forum des Vies Mobiles, l’exposition Les Vies qu’on mène regroupe les projets de seize photographes du collectif Tendance Floue – composé de Pascale Aimar, Thierry Ardouin, Denis Bourges, Gilles Coulon, Olivier Culmann, Ljubiša Danilović, Grégoire Eloy, Mat Jacob, Caty Jan, Yohanne Lamoulère, Philippe Lopparelli, Bertrand Meunier, Meyer, Flore-Aël Surun, Patrick Tournebœuf, Alain Willaume – et Jérôme Sessini de chez Magnum Photos. Conçu en quatre parties, l’évènement dévoile près de 400 photographies issues de projets aux écritures plurielles mais aux réflexions communes : comment vivent les Français·e·s ? Qu’est-ce qui nous rend vivant·e·s, en mouvement ?
De la chaîne des Puys d’Auvergne en passant par les routes de Camargue jusqu’aux paysages insulaires de la Réunion, chaque photographe s’est rendu·e aux quatre coins de la France, ou est resté·e chez lui ou chez elle, pour représenter la diversité des modes de vie et des visages qui peuplent notre territoire.
Un parcours ascensionnel
Pour cette commande particulière, le choix du Forum des Vies Mobiles think tank s’est instinctivement porté vers Tendance Floue. Puisqu’en effet, au-delà de la qualité et la diversité des regards documentaires proposés par le collectif réside une volonté de dresser avec authenticité un panorama de notre société. C’est ainsi qu’en entrant dans les lieux de la Galerie, on débute au rez-de-chaussée par une section vers la notion d’adaptation et de réinvention. Ici, quatre des seize photographes ont réfléchi à la manière dont nous nous déplaçons en fonction des territoires où l’on vit. Des procédés particuliers qui évoquent des différences immuables. Car on ne se déplace pas de la même manière dans les rues bondées de Paris capturées par Gilles Coulon que dans les Vosges natales de Jérôme Sessini. Au fil des mouvements de passants ou du calme émanant des plaines montagneuses, on rencontre les zones enclavées de la Réunion, traversées par Grégoire Eloy. Au premier étage, nous attend « Un nouveau départ ». Une seconde partie consacrée aux tournants de vies et à la façon dont nos trajectoires se structurent en fonction des choix, contraintes et opportunités. C’est ce que Meyer démontre dans sa série consacrée à son père, une personne ayant choisi de vivre à son rythme au sein d’une colocation. Vient ensuite l’espace dédié au concept de « Prendre soin » qui met en lumière celleux, parfois invisibilisé·e·s, dont les déplacements privilégient le bien-être des autres. Ce sont, entre autres, les médecins de campagne dévoilés par Denis Bourge, les agent·e·s de propreté capturé·e·s par Patrick Tournebœuf. Arrivée sous les toits, l’exposition se clôture aux côtés de passionné·e·s, dont la mobilité n’est autre « qu’un horizon sans cesse renouvelé ». On s’installe confortablement au sein du camion d’Amélie, routière issue d’une famille où l’on « est camionneur de père… en fille ». Une découverte signée Yohanne Lamoulère.
La scénographie nous laisse le temps de divaguer. Elle nous pousse à aller plus loin dans la perception allégorique du mouvement et à s’éveiller sur la manière d’habiter le paysage. Porté·e·s par les fluctuations de notre déambulation, on restera peut-être immobiles afin de s’immerger dans les pas et dans l’intimité des individus que l’on rencontre.
© à g. Meyer, à d. Grégoire Eloy
À l’intérieur, tout se produit
Véritables percées dans l’intimité et dans le quotidien des personnes photographiées, les projets documentaires oscillent entre fragilité et force, délicatesse et dureté, observation et mise en scène. Car pour mener à bien cette mission artistique, chaque auteur·e a eu carte blanche. Des semaines ou des mois passés auprès de leurs modèles, devenu·e·s pour certain·e·s des ami·e·s. Un miroir sur autrui qui nous interroge sur les habitudes de chacun·e et sur nos libertés de déplacements.
Dans ces approches et écritures divergentes, une osmose se crée. Des rires, des partages, et des liens forts se construisent. Un travail de transmission, où nous sont contées avec empathie et humilité les traversées des citoyen·ne·s. In fine, Les Vies qu’on mène nous propose une lecture plurielle de la mobilité française dans l’intime. Et dans cette nouvelle lecture de la France, on découvre infailliblement tout ce qui nous meut et nous émeut.
© à g. Gilles Coulon, à d. Pascal Aimar
© Ljubiša Danilovic
© à g. Denis Bourges, à d. Thierry Ardouin
© Olivier Culmann
© à g. Flore Ael Surun, à d. Caty Jan
© à g. Yohanne Lamoulère, à d. Claude Willaume
Image d’ouverture © Bertrand Meunier