Raymond Depardon : un nouveau regard sur l’armée

20 mai 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Raymond Depardon : un nouveau regard sur l’armée

Accueillie par le Musée national de la Marine de Toulon, l’exposition Raymond Depardon 1962-1963, photographe militaire présente l’œuvre de jeunesse de l’auteur, alors qu’il capture avec justesse et poésie le quotidien de l’armée pour le magazine TAM.

Fruit d’une collaboration entre quatre institutions – l’ECPAD (Établissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense), le Musée national de la Marine, l’École Val-de-Grâce, et la DPMA (Direction des Patrimoines de la Mémoire et des Archives) – l’exposition Raymond Depardon, 1962-21963, photographe militaire, se lit comme un échange entre l’auteur et son environnement. Une plongée dans l’univers de l’armée, capturé par un œil jeune et juste.

En 1960, au cours d’un reportage en Algérie, Raymond Depardon rencontre des photographes militaires du journal hebdomadaire Bled, qui lui donnent envie de réaliser son service au sein de la revue des armées. En juillet 1962, il est affecté à la rédaction de TAM (Terre Air Mer Magazine), surnommé le « Paris Match militaire », successeur de Bled. Ancrée dans une époque particulière, influencée par l’écroulement des empires coloniaux, la fin de la Seconde Guerre mondiale, et les trente glorieuses, la revue souhaite s’ouvrir aux réalités de la vie nationale. Libre de ses gestes, Raymond Depardon se lance, entre 1962 et 1963 dans un tour de France dynamique, capturant l’armée sous tous ses angles. Durant ce laps de temps, il réalise plus de 2000 photographies, et 51 reportages pour TAM, couvrant les entraînements militaires comme les sujets sociétaux. Un travail colossal illustrant une génération galvanisée par l’économie du pays, et « une France qui se libère enfin de son passé colonialiste », ajoute le photographe.

Arrivée des soldats en formation à l’école du Roc, Chamonix-Mont-Blanc, juillet 1962.

Arrivée des soldats en formation à l’école du Roc, Chamonix-Mont-Blanc, juillet 1962

Tenir le temps

« Au départ, je craignais que les photographies ne soient pas intéressantes, qu’elles n’aient pas de lien avec mon parcours. Mais finalement, l’exposition est très pertinente. On retrouve par exemple déjà cette recherche de la lumière, dans mes images de jeunesse »,

explique Raymond Depardon. Lorsque le photographe rejoint TAM, à 18 ans, sa carrière ne fait que commencer. Si les clichés illustrent de nombreux événements militaires, la poésie s’immisce parfois dans le quotidien. Déjà, l’artiste, qui shoote alors au Rolleiflex« un boîtier difficile à manier, mais qui possède la science de ne pas être agressif », précise-t-il – semble chercher son esthétique.

Le noir et blanc domine l’exposition, à l’exception de quelques clichés couleur, « réservés aux sujets de prestige », se souvient l’auteur. Pourtant, les images ne vieillissent pas. Au contraire, elles forment un écrin, protégeant le souvenir d’un passé qui s’oublie. « Je suis admirateur des commissaires et de leurs choix, car il n’est pas facile de construire une telle exposition sans tomber dans la nostalgie ou l’anecdote, confie Raymond Depardon. Nous, photographes, sommes sans arrêt confrontés au deuil. Dès qu’une image est prise, elle représente déjà le passé. Cet événement, pourtant, tient bien le temps. » En photographiant la vie militaire, l’auteur fait le portrait d’une génération entière, témoin la course au modernisme, et la fin des conflits. Des reportages illustrant le désir de l’armée de renouer avec la nation, et le besoin d’une nouvelle légèreté.

 

Raymond Depardon, 1962-1963, photographe militaire

Jusqu’au 31 décembre 2019

Musée national de la Marine

Place Monsenergue, Quai de Norfolk, 83000 Toulon

© Photographe inconnu : Archives privées R. DepardonMarin sur l’escorteur Dupetit-Thouars, France, 1963.

à g. Photographe inconnu, archives privées R. Depardon, à d. Marin sur l’escorteur Dupetit-Thouars, France, 1963

Entraînement du 1er CHOC à Calvi, 1962-1963.Entrainement du 1er CHOC à Calvi (juillet à septembre 1962) © Raymond Depardon

Entraînement du 1er CHOC à Calvi, 1962-1963 © Raymond Depardon

Parachutiste pendant l’entraînement du 1er CHOC à Calvi (1962-1963). © Raymond DepardonOuvrier à la poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles, Gironde, juillet 1962.

à g. Parachutiste pendant l’entraînement du 1er CHOC à Calvi © Raymond Depardon, à d. Ouvrier à la poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles, Gironde

Ascension estivale du mont Blanc par les troupes de montagne, Chamonix-Mont-Blanc, 13 septembre 1963.Base aérienne de Cognac, Charente, 1963.

à g. Ascension du mont Blanc par les troupes de montagne, Chamonix-Mont-Blanc, 1963, à d. Base aérienne de Cognac, Charente, 1963.

Instruction au 404e RAMA à Valence, 1962-1963.Journée des grandes écoles militaires à Brest, Finistère 1963.

à g. Instruction au 404e RAMA à Valence, 1962-1963, à d. Journée des grandes écoles militaires à Brest, Finistère 1963.

Explorez
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
© Karim Kal
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
Le photographe franco-algérien Karim Kal a remporté le prix HCB 2023 pour son projet Haute Kabylie. Son exposition Mons Ferratus sera...
20 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
On Mass Hysteria : étude d'une résistance physique contre l'oppression
CASE PIECE #1 CHALCO, (Case 1, Mexico, On Mass Hysteria), 2023, Courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris © Laia Abril
On Mass Hysteria : étude d’une résistance physique contre l’oppression
À travers l’exposition On Mass Hysteria - Une histoire de la misogynie, présentée au Bal jusqu’au 18 mai 2025, l’artiste catalane...
19 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Tisser des liens, capter des mondes : le regard de Noémie de Bellaigue
© Noémie de Bellaigue
Tisser des liens, capter des mondes : le regard de Noémie de Bellaigue
Photographe et journaliste, Noémie de Bellaigue capture des récits intimes à travers ses images, tissant des liens avec celles et ceux...
15 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Faits divers : savoir mener l’enquête
© Claude Closky, Soucoupe volante, rue Pierre Dupont (6), 1996.
Faits divers : savoir mener l’enquête
Au Mac Val, à Vitry-sur-Seine (94), l’exposition collective Faits divers – Une hypothèse en 26 lettres, 5 équations et aucune réponse...
13 février 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
Kara Hayward dans Moonrise Kingdom (2012), image tirée du film © DR
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
L'univers de Wes Anderson s'apparente à une galerie d'images où chaque plan pourrait figurer dans une exposition. Cela tombe à pic : du...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
© Aletheia Casey
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
À travers A Lost Place, Aletheia Casey matérialise des souvenirs traumatiques avec émotion. Résultant de cinq années de travail...
21 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Javier Ruiz au rythme de Chungking
© Javier Ruiz
Javier Ruiz au rythme de Chungking
Avec sa série Hong Kong, Javier Ruiz dresse le portrait d’une ville faite d’oxymores. Naviguant à travers le Chungking Mansions et les...
21 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
© Karim Kal
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
Le photographe franco-algérien Karim Kal a remporté le prix HCB 2023 pour son projet Haute Kabylie. Son exposition Mons Ferratus sera...
20 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina