Installé à l’Académie des beaux-arts de l’Institut de France le 6 décembre dernier par Yann Arthus-Bertrand au poste de Lucien Clergue décédé en 2014, Sebastião Salgado rejoint le club très select des « immortels » destinés à « promouvoir et encourager la création artistique dans toutes ses expressions, et à veiller à la défense du patrimoine culturel français ».
Les roulements de tambours résonnent sous la Coupole du Palais de l’Institut de France, donnant le signal d’ouverture des festivités. Les académiciens arrivent en rangs serrés, défilé de costumes verts avec épées à la taille, ils font leur entrée dans un petit amphithéâtre rempli de tout ce que le milieu de la photo compte d’officiel. On y voit le directeur de la MEP, celui de la fondation Henri Cartier-Bresson, des rédacteurs en chef de magazines et d’agences photo, et bien sûr des photographes, comme William Klein, fatigué, qui arrive dans un fauteuil roulant, et d’autres à peine plus jeunes. Beaucoup de cheveux gris et blanc dans cette assemblée à majorité masculine.
Photographe humaniste
Yann Arthus-Bertrand, académicien et photographe connu entre autres pour son travail sur La Terre vue du ciel, ouvre le bal en s’installant au pupitre et en prenant quelques photos du public avant de commencer son discours. Il retrace avec émotion la formidable carrière de Sebastião Salgado, photographe humaniste qui a sillonné les cinq continents en produisant de grands sujets en noir et blanc (Autres Amériques, La main de l’homme, Exodes, Genesis…), exposés et publiés un peu partout dans le monde. Le photographe né au Brésil lui a répondu par un discours plein d’émotion, en rendant hommage à sa compagne Lélia, véritable complice, grâce à qui il a choisi la photographie à l’âge de 30 ans, et y a consacré sa vie.
Quatre hommes en arme
Rejoignant Yann Arthus-Bertrand, Bruno Barbey et Jean Gaumy (ces deux derniers ayant, comme lui, collaboré avec l’agence Magnum), Sebastião Salgado est donc le 4e photographe à rejoindre ce club très fermé de l’Institut de France (sans compter Lucien Clergue qui a ouvert la route en entrant à l’Académie en 2006). Comparé aux quatre mousquetaires – quatre hommes en arme –, leur mission sera de « promouvoir et encourager la création artistique dans toutes ses expressions, et à veiller à la défense du patrimoine culturel français ». Sans nullement renier la qualité de ces quatre photographes promus au rang d’immortel, on peut juste regretter qu’aucune femme ne les y ait encore rejoints. Un nom a bien circulé à un moment, mais ce sera pour une autre fois. Rappelons qu’il a tout de même fallu attendre 1980 pour voir entrer Marguerite Yourcenar sous la Coupole, une institution fondée en 1635, soit trois siècles et demi !
L’histoire des académiciens était très présente à l’esprit de tout le monde, avec la disparition deux jours avant de Jean d’Ormesson, entré à l’Institut en 1973, à l’âge de 48 ans. Et le matin même, on apprenait la mort Johnny Halliday – pas vraiment académicien –, mais les discours de réception et de remise de l’épée y ont fait référence, donnant à cette journée un accent rock’n’roll un peu dissonant.
Sebastião Salgado, vous connaissez ? © Nina Peyrachon
© Sebastião Salgado / Amazonas Images