Lauréat à l’unanimité du tremplin Jeunes Talents de Planche(s) Contact, Chau-Cuong Lê dévoile, à travers Staring at the sea, standing on the beach, une fiction sublime, mettant en scène l’adolescence.
Si la photographie ne s’est pas imposée naturellement à Chau-Cuong Lê, elle l’a conquis lentement, en l’accompagnant au fil des années. Après avoir suivi un parcours académique classique, l’artiste intègre l’École des Métiers de l’Information, en photojournalisme, et fonde le collectif BaSoH, centré autour de thématiques sociales. Une aventure qui durera jusqu’en 2009. Il entre ensuite au studio Rouchon, dédié à la mode. Là-bas il apprend à dompter la lumière « artificielle » ainsi qu’une démarche nouvelle. « Aujourd’hui, ma photographie est un mélange de ces deux expériences : j’aime la lumière naturelle, mais je suis moins dans l’urgence que peut incarner le reportage. Je pose un regard documentaire ou interrogatif sur des questionnements personnels », précise-t-il.
Finaliste du Tremplin Jeunes Talents de Planche(s) Contact 2019, le photographe a effectué une résidence de trois semaines à Deauville, en espérant pouvoir aborder le thème de la jeunesse dans cette ville littorale, tout en gardant son esthétique particulière : « Je construis mon travail en mosaïque. J’associe mes images sous forme de diptyque, ou triptyque, en mélangeant noir et blanc et couleur. Une narration se dégage alors de ce nuage d’images », confie-t-il. Dans Staring at the sea, standing on the beach, l’artiste capture des adolescents dans un minimalisme voluptueux, une langueur intrigante.
Une réalité fantasmée
« Nous étions en hiver, sous la pluie, personne dans les rues. Je me suis demandé comment vivaient les jeunes dans un tel endroit, au cœur d’une ville balnéaire, à l’histoire glorieuse et clinquante, désertée en arrière-saison »,
se souvient Chau-Cuong Lê. Après avoir rencontré un groupe de garçons sur un terrain de basket, l’auteur a lancé un appel à participations dans un lycée. « J’ai ensuite mélangé les jeunes entre eux. Un dialogue s’est mis en place, sur le moment, en fonction de l’inspiration », ajoute-t-il. Dans un univers aux tons pastel et métalliques, l’auteur, inspiré par les univers cinématographiques de Gus Van Sant, Jim Jarmush ou encore Hal Hartley, fait évoluer ses modèles dans des mises en scène étudiées. Un récit fictionnel évoquant une réalité fantasmée.
« Je pense qu’on peut passer son adolescence dans la douceur, sans pour autant tomber dans la mièvrerie. La vie passe. On l’attend. Une attente empreinte de poésie accidentelle, de sensualité oisive », raconte-t-il. Les gris tendres des clichés semblent renvoyer à un entre-deux, cette frontière entre l’enfance et l’âge adulte. Au cœur de la palette de Chau-Cuong Lê, les jeunes se prélassent sous un soleil timide, dans une quête sensorielle de l’autre, et de soi. « C’est aussi le gris de l’hiver, pluvieux et terne, de ce bitume délavé en bord de mer », rappelle-t-il. Sans chercher à donner un sens à la vie des résidents de Deauville, le photographe tisse une histoire contemporaine, faite de rencontres et d’affection, d’ennui et d’espoir. Un monde en transition, illustré par les corps, dynamique ou paresseux, envahissant ce paysage décoloré.
© Chau-Cuong Lê