Éloge de la solitude

25 mai 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Éloge de la solitude

Photographe et réalisatrice, Anne-Charlotte Moulard produit des récits visuels. Avec Le sentiment absent, série minimaliste, elle signe le portrait d’un village de bord de mer, dépeuplé.

« J’ai la vision d’une réalisatrice, je raconte une histoire par l’image ou le film. Je livre un état »

, déclare Anne-Charlotte Moulard. Formée aux Gobelins, à la Central Martins School de Londres et à Louis Lumière, l’artiste manie les médiums avec intelligence. « Je peux créer un projet à partir d’un story-board, ou lors d’une errance.  Je dis souvent que je ne fais bien que ce que je sais faire, aussi je travaille toujours de la même manière, que ce soit dans des cadres personnels ou professionnels », explique-t-elle. Après avoir fait ses armes aux côtés de Rankin, la photographe, aujourd’hui freelance, alterne entre commandes et récits intimes, prenant soin de toujours produire des travaux qui lui ressemblent.

C’est lors de la réalisation d’un court-métrage, intitulé Early Bird, que naît l’idée du Sentiment Absent. « Je cherchais alors des cadres, pour des raisons purement cinématographiques. L’absence humaine était le sujet du film : une jeune femme arrive sur un lieu de vacances, hors saison. Tout est fermé, elle est seule », raconte l’auteure. Un synopsis qui lui rappelle de nombreux souvenirs.

© Anne-Charlotte Moulard

L’Homme est la cité, la cité est l’Homme

Un bord de mer paradisiaque, un ciel bleu et un monde dépeuplé. Le décor de la série, architectural et poétique, évoque un territoire délaissé par l’Homme – un espace presque surnaturel. « J’ai grandi à la mer, j’ai toujours vu des gens venir et partir, les rues de mon enfance s’animer puis se rendormir. J’ai grandi au rythme de cette somnolence », explique Anne-Charlotte Moulard. On découvre une certaine tendresse dans les images de l’artiste. Un amour de ce lieu aux deux visages. « Le sentiment absent, c’est une ville de bord de mer en sommeil, qui attend l’homme. Elle a besoin de lui pour exister – sans lui, elle n’est que ruines », poursuit-elle.

Fidèle à son amour du cinéma, l’artiste pense chaque composition comme un court-métrage. Un récit aux multiples lectures, et à la fin ouverte. Hantée par une nostalgie familière, elle distille dans ses images des souvenirs, recrée « des mondes, par essence perdus ». Dans cette symétrie apparente, l’émotion apparaît par à-coup, et apporte au présent la profondeur de la mémoire. « De manière plus large, l’Homme est la cité, la cité est l’Homme. Ils craignent tous deux d’être oubliés, ou abandonnés pour toujours », confie la photographe. Une élégante carte postale d’un village assoupi.

© Anne-Charlotte Moulard© Anne-Charlotte Moulard

© Anne-Charlotte Moulard

© Anne-Charlotte Moulard© Anne-Charlotte Moulard

© Anne-Charlotte Moulard

© Anne-Charlotte Moulard© Anne-Charlotte Moulard

© Anne-Charlotte Moulard

© Anne-Charlotte Moulard

Explorez
Dans l’œil de Zoé Isle de Beauchaine : des produits pharmaceutiques sublimés
Mieux Vivre, Le Bain, août 1936 Photographie de Paul Wolff
Dans l’œil de Zoé Isle de Beauchaine : des produits pharmaceutiques sublimés
Aujourd’hui, plongée dans les pages d’une ancienne revue pharmaceutique. Dans le cadre de l’exposition Années 1930 et modernité : l’âge...
18 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Lux : la naissance d’un rendez-vous photographique
© Deanna Dikeman
Lux : la naissance d’un rendez-vous photographique
Pour son premier évènement, le tout nouveau Réseau Lux nous en met plein la vue en investissant les murs d’un ancien bureau de poste du...
15 novembre 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Les coups de cœur #518 : Cecilia Pignocchi et Emma Corbineau
© Cecilia Pignocchi. Tempo Bello
Les coups de cœur #518 : Cecilia Pignocchi et Emma Corbineau
Cecilia Pignocchi et Emma Corbineau, nos coups de cœur de la semaine, dévoilent un cabinet de curiosités constitué de souvenirs et de...
11 novembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Approche 2024 ou l’art de mettre en scène
© Antoine De Winter Courtesy Hangar Gallery
Approche 2024 ou l’art de mettre en scène
Du 7 au 10 novembre 2024, le Salon Approche présente sa 8e édition. Au 40 rue de Richelieu, à Paris, quinze expositions personnelles...
07 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
© Austn Fischer
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
Installé à Londres, Austn Fischer puise dans les ressorts de la communauté LGBTQIA+ pour interroger les notions traditionnelles de genre....
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Elie Monferier : visible à la foi
© Elie Monferier
Elie Monferier : visible à la foi
À travers Sanctuaire – troisième chapitre d’un projet au long cours – Elie Monferier révèle, dans un noir et blanc pictorialiste...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Visions d'Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
© Alex Turner
Visions d’Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
Des luttes engagées des catcheuses mexicaines aux cicatrices de l’impérialisme au Guatemala en passant par une folle chronique de...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha
© Richard Pak
Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha
Avec Les îles du désir, Richard Pak pose son regard sur l’espace insulaire. La galerie Le Château d’Eau, à Toulouse accueille, jusqu’au 5...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina