À Circulation(s), Federico Ciamei présente Travel without Moving, une exploration amusante d’un nouveau monde au cœur de l’ère numérique. Un hommage aux explorateurs du passé croisant archives et compositions digitales.
Au cœur des créations de Federico Ciamei, photographe italien installé à Milan, se cache une envie d’explorer avec humour notre histoire et notre société. Refusant de « [s]e prendre trop au sérieux », l’auteur perçoit le 8e art comme un moyen de rester actif, de se rendre quelque part, découvrir un lieu, rencontrer des personnes. « J’aime trouver l’équilibre entre le contrôle et l’aléatoire. Je laisse toujours une certaine marge de manœuvre pour que des choses se passent. Je récolte plus que je ne chasse », s’amuse-t-il. À la manière d’un explorateur, il se plonge dans des recherches, déterre des archives et façonne un univers où la fiction chavire dans la réalité.
Et c’est justement ce rôle de « navigateur de l’image » qu’il endosse dans Travel without Moving, une série atypique et colorée présentée à Circulation(s). Face à son accrochage, le doute règne. Que contemplons-nous ? Ces forêts, ces animaux existent-ils ? D’où viennent-ils ? Et qui les a découverts ? « La série parle avant tout de l’effet du temps sur l’information. Je me suis mis à la place de ces voyageurs du passé, qui se rendaient dans des contrées inconnues en espérant découvrir de Nouveaux Mondes, des richesses ou des connaissances. Dans leur pays d’origine, leurs histoires devenaient des légendes, mais qui pouvait interroger la véracité de leur propos ? Marco Polo lui-même écrivait dans la préface de son livre que nous n’avions d’autres choix que de les croire, puisqu’eux seuls l’avaient vu de leurs propres yeux », raconte Federico Ciamei.
Une navigation dans l’ère numérique
C’est une scénographie immersive que proposent Jimme Cloo et Marion Flament, du studio Big Time au cœur du festival. Une expérience captivante, où les mots des explorateurs se fondent dans les images, où les archives du passé fusionnent avec les créations contemporaines. Le tout forme un amalgame d’aventures encapsulant la frénésie de la découverte, et la soif d’aventures des pionniers d’autrefois. « Aujourd’hui, tout a été exploré, photographié, catalogué. Nous avons accès à tellement de données que l’information est finalement cachée dans la masse. Je suis persuadée que certaines archives n’ont jamais été vues par personne ! Un mot mal orthographié et elles tombent dans l’oubli », précise le photographe. Passionné par cette contradiction, il propose, avec Travel without Moving, une nouvelle manière de scruter, de voir le monde. Une navigation dans l’ère numérique – un territoire à part où tout est accessible d’un clic de souris, mais enseveli par la masse constante d’informations.
Il y a, dans l’œuvre de Federico Ciamei un enthousiasme propre aux héros de Jules Verne, dont il admire le travail. Une volonté de jouer avec le regard, de volontairement perdre les visiteur·ses. « Lorsque j’ai envoyé mon projet à Circulation(s), je me suis même inspiré de L’île mystérieuse, me décrivant en des termes très élogieux, de la même manière que les protagonistes », confie-t-il en riant. Un conte riche en péripéties qu’il s’amuse à déconstruire, à la manière d’une autre de ses influences : Joan Fontcuberta, dont les projets photographiques flirtent avec l’hyperréalisme pour mieux déformer la vérité. Car dans les images de Federico Ciamei rien – et tout – est vrai. Les traces de constructions humaines s’effacent des paysages sauvages, d’apparence indomptée. La végétation est étudiée avec sérieux et les croquis d’animaux exotiques portent la marque du numérique. Passé, présent et futur s’entrelacent pour illustrer un monde aussi familier que nouveau. Une exploration pleine de rebondissements, à apprécier depuis le confort de nos fauteuils, face à la lumière bleue des écrans.
Festival Circulation(s)
Jusqu’au 29 mai
Centquatre, 5 rue Curial, 75019 Paris
© Federico Ciamei