Quand un artiste hérite d’une forêt de 100 hectares… 

16 mai 2022   •  
Écrit par Anaïs Viand
Quand un artiste hérite d’une forêt de 100 hectares… 

Quand Jaakko Kahilaniemi ne questionne pas la vie, il s’occupe de sa forêt de 100 hectares. C’est à l’occasion de l’exposition In the Shadow of Trees, présentée au Hangar lors du PhotoBrussels Festival, que nous avions découvert 100 hectares of understanding, le travail de cet artiste visuel originaire d’Helsinki, en Finlande. Entretien avec celui qui aime se lancer des défis.

Fisheye : À l’âge de 8 ans, tu as hérité d’une forêt de 100 hectares. Comment as-tu réagi à cette annonce ?  

Jaakko Kahilaniemi : J’étais vraiment petit quand j’ai appris que j’avais hérité d’un tel espace. J’ai sérieusement compris l’annonce à l’âge de 15 ou 16 ans. Je n’aimais pas l’idée de posséder un morceau de nature. C’était une idée absurde. 

© Jaakko Kahilaniemi

Quelles sont les particularités de la forêt ?

Ma forêt est vraiment une forêt typique du sud de la Finlande. Il y a beaucoup d’épicéas, de pins, et quelques bouleaux. Un paysage naturel finlandais normal, je dirais. Rien de spécial et rien d’inhabituel. 

Quelle relation entretenais-tu avec la forêt, la sylviculture avant cela ?

Quand j’étais jeune, je n’aimais vraiment pas l’idée que je devais prendre soin de la forêt. Je détestais cela à cause de mon père, qui est forestier/sylviculteur, et qui voulait que je le devienne aussi. Je voulais faire quelque chose de totalement différent de lui. Je pensais que la sylviculture était un travail difficile et que ce n’était pas fait pour moi. Je préférais rêver depuis le sommet du toit de notre maison, regarder filer les nuages au-dessus de moi. 

Comment s’est déroulée ta « vraie » rencontre avec la forêt, la foresterie ? 

La première rencontre était étrange, j’avais l’impression d’aller sur une autre planète. Je pense aujourd’hui que la planète était en fait mon état mental, et je suis conscient que l’on devrait protéger les forêts et ne pas les couper. La nature, tout comme nous, est confrontée à une réelle crise. 

Durant mon processus d’apprentissage, j’ai beaucoup parlé avec mon père qui s’occupe de la forêt depuis 1997, et qui possède également d’autres zones forestières, il sait donc presque tout ce qui concerne la foresterie/sylviculture. J’ai également effectué de nombreux travaux de recherche, par exemple sur les rapports du GIEC et d’autres recherches scientifiques où j’ai pu trouver des informations fiables. 

© Jaakko Kahilaniemi

Aujourd’hui, te considères-tu sylviculteur ? 

Non, et je ne le deviendrai probablement jamais. Je suis un artiste dans l’âme, qui développe des projets liés à la sylviculture.

Qu’est-ce qui a déclenché l’acte de création pour ton projet 100 hectares of understanding ? 

J’avais vraiment envie d’apprendre à connaître la nature, de me sentir familier de ma propre forêt. 

Tu as choisi de développer une approche ludique et expérimentale, pourquoi ? 

Comme je le disais, j’aime relever des défis en tant qu’artiste. J’essaye toujours de créer quelque chose de nouveau, de développer des langages visuels. J’essaye de créer un art que j’aimerais voir. Pour ce faire, je réfléchis et j’essaye de relier les éléments dans ma tête. 

© Jaakko Kahilaniemi

Peux-tu nous parler de tes diverses expériences ? 

Dans mes projets, j’aime utiliser des photos de paysages comme point de réflexion. J’aime leur associer des signes visuels, des marques. J’aime aussi composer un ensemble de travaux mélangeant différents types de photos, où tout n’est pas si clair.

En travaillant sur ce projet, tu as développé des rituels, peux-tu nous en parler ?  

J’ai par exemple recueilli 54 échantillons de sol différents, j’ai essayé de localiser le point central de la zone, j’ai planté 100 semis dans le sol. 

Quelle place occupe la forêt dans ta vie aujourd’hui ?

C’est un endroit où je peux être libre, je n’ai aucune attente. Je chasse avec mon vizsla d’un an et demi, ce qui a créé un lien beaucoup plus intense entre la nature et moi. Je la respecte et je sais que nous devons faire davantage pour rendre sa grandeur à la nature (to make nature great again, NDLR). 

Si tu pouvais lui parler, que lui dirais-tu ? 

Je lui dirais « désolé ». Désolé pour tous les gens qui ne comprennent pas que sans toi, nous ne serions pas là. 

Je crois qu’il s’agit de comprendre que la nature était avant l’homme et qu’elle le sera après. Et ce, même si l’homme la détruit. 

Nous, les gens, ne méritons pas la nature. 

© Jaakko Kahilaniemi© Jaakko Kahilaniemi

Tu as commencé ce projet en 2015, et il est toujours en cours. Pourquoi ce besoin de documenter sur le long terme ? 

La nature et le monde changent. Et mon cerveau continue à développer des idées. J’ai bien sûr quelques autres projets à côté.

Quelles sont tes références ?

J’aime vraiment la science, mais sur le plan artistique, ma plus grande inspiration reste le mouvement Arte Povera (mouvement artistique italien engagé sur un mode révolutionnaire). J’aime par exemple les sculptures minimalistes de Giuseppe Penone.

À qui s’adresse ce projet ?

100 Hectares of understanding est destiné à celles et ceux qui veulent apprendre quelque chose de nouveau sur la nature. 

Trois mots pour décrire ce projet ? 

Nature. Vouloir. Gagner. Et en voilà trois autres : mystère, inconnu, imbattable.

Un dernier mot ? 

Je recherche un bon galeriste de l’UE et des États-Unis ! 

© Jaakko Kahilaniemi© Jaakko Kahilaniemi

© Jaakko Kahilaniemi© Jaakko Kahilaniemi

© Jaakko Kahilaniemi

© Jaakko Kahilaniemi© Jaakko Kahilaniemi

© Jaakko Kahilaniemi© Jaakko Kahilaniemi© Jaakko Kahilaniemi

© Jaakko Kahilaniemi

Explorez
Dans l’œil de Zoé Isle de Beauchaine : des produits pharmaceutiques sublimés
Mieux Vivre, Le Bain, août 1936 Photographie de Paul Wolff
Dans l’œil de Zoé Isle de Beauchaine : des produits pharmaceutiques sublimés
Aujourd’hui, plongée dans les pages d’une ancienne revue pharmaceutique. Dans le cadre de l’exposition Années 1930 et modernité : l’âge...
18 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Lux : la naissance d’un rendez-vous photographique
© Deanna Dikeman
Lux : la naissance d’un rendez-vous photographique
Pour son premier évènement, le tout nouveau Réseau Lux nous en met plein la vue en investissant les murs d’un ancien bureau de poste du...
15 novembre 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Les coups de cœur #518 : Cecilia Pignocchi et Emma Corbineau
© Cecilia Pignocchi. Tempo Bello
Les coups de cœur #518 : Cecilia Pignocchi et Emma Corbineau
Cecilia Pignocchi et Emma Corbineau, nos coups de cœur de la semaine, dévoilent un cabinet de curiosités constitué de souvenirs et de...
11 novembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Approche 2024 ou l’art de mettre en scène
© Antoine De Winter Courtesy Hangar Gallery
Approche 2024 ou l’art de mettre en scène
Du 7 au 10 novembre 2024, le Salon Approche présente sa 8e édition. Au 40 rue de Richelieu, à Paris, quinze expositions personnelles...
07 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Elie Monferier : visible à la foi
© Elie Monferier
Elie Monferier : visible à la foi
À travers Sanctuaire – troisième chapitre d’un projet au long cours – Elie Monferier révèle, dans un noir et blanc pictorialiste...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Visions d'Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
© Alex Turner
Visions d’Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
Des luttes engagées des catcheuses mexicaines aux cicatrices de l’impérialisme au Guatemala en passant par une folle chronique de...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha
© Richard Pak
Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha
Avec Les îles du désir, Richard Pak pose son regard sur l’espace insulaire. La galerie Le Château d’Eau, à Toulouse accueille, jusqu’au 5...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Eimear Lynch s'immisce dans les préparatifs de soirées entre adolescentes 
© Eimear Lynch
Eimear Lynch s’immisce dans les préparatifs de soirées entre adolescentes 
Dans le souvenir de bons moments de son adolescence, Eimear Lynch, aujourd’hui âgée de 29 ans, a imaginé Girls’ Night. Au fil des pages...
19 novembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet