Chez Thalía Gochez, photographe californienne d’origines salvadorienne et mexicaine, le talent et la créativité paraissent innés. À l’écoute des autres et de soi, elle crée un univers solaire, reflétant l’essence de la communauté latine. Lancée dans son chemin artistique, une voix semble la guider : celle de ses ancêtres. Avec sincérité, elle insuffle alors un élan de communion entre les êtres, dont on peut difficilement se passer. Rencontre.
Fisheye : Quel est ton parcours artistique ?
Thalía Gochez : Je suis une artiste visuelle autodidacte, je n’ai suivi aucune formation classique et n’ai jamais voulu le faire. Pendant des années, j’ai expérimenté, essayé, parfois en vain, me suis confrontée à l’erreur et n’ai jamais baissé les bras pour aboutir à ce que je fais aujourd’hui. Très tôt, j’ai eu une vision créative forte, j’ai toujours su quel serait le message véhiculé dans mes images, les connaissances techniques sont simplement arrivées par la suite.
De quoi t’inspires-tu quotidiennement ?
De mon héritage familial et de mon enfance. Ce sont deux influences majeures dans mon travail. J’explore ces thèmes à travers des lieux pittoresques, des couleurs spécifiques, des styles vestimentaires singuliers, des poses… J’aime qu’un sentiment de nostalgie surgisse de mon œuvre. À tout cela, j’ajoute des éléments de notre culture actuelle, des accessoires pop, des objets contemporains…
Pourquoi se focaliser sur la communauté « Latinx » ? Est-ce une manière de leur offrir toute la lumière méritée ?
J’appartiens à cette communauté, je ne fais qu’un avec elle. Je ne ressens pas le besoin de prouver que nous sommes dignes ou que nous méritons d’être vus. Je capture ce que je vis, ce que je vois : la beauté de l’authenticité. C’est précisément ce que je souhaite célébrer à travers des images qui nous donnent du pouvoir pour revendiquer notre appartenance à une société qui nous rejette.
Qui sont toutes ces femmes sur tes images ? Des sœurs, des amies, des inconnues ?
C’est ma communauté. J’ai noué des amitiés avec certaines de ces femmes au fil des années, d’autres sont des amies d’amis ou encore des rencontres que j’ai faites en ligne. Dans l’ensemble, ce sont des personnes que j’aime profondément et avec lesquelles je m’efforce de construire une véritable dynamique, au-delà du médium, au-delà de l’image.
Tes images parlent d’empowerment, nous dévoilent des caractères affirmés et des regards impétueux…
Ces regards, cette puissance et cette fierté sont l’essence même de mes modèles. En tant que photographe, j’aspire à leur offrir un espace d’amour, de confiance et de respect. Ainsi, elles peuvent explorer leurs attributs librement et sans honte. Établir une relation de confiance est essentiel dans ma pratique artistique. Il est vital que je me connecte aux personnes que je photographie. Ma capacité à engager une véritable conversation avec autrui est mon meilleur allié photographique. Je ne fais que refléter ce qui se trouve devant moi.
Un mot sur ta relation à la couleur ainsi qu’à la lumière ?
La couleur est primordiale dans mon processus créatif, je l’explore sous toutes ses facettes. De l’éclairage au stylisme, en passant par la coiffure et le maquillage, elle me renvoie toujours à mon héritage culturel latino. La couleur détient le pouvoir de retranscrire un sentiment vibratoire. Elle est le fil conducteur de mon œuvre.
Et dans ton œuvre, y a-t-il un projet dont tu es particulièrement fière ?
C’est comme choisir son enfant préféré, c’est impossible ! Chaque projet m’a touchée dans mon intériorité, m’a appris des choses sur moi ou sur les autres et a été déterminant dans ma carrière. Récemment, j’ai adoré collaborer avec Sixteen Journal. Pour cette série, j’ai photographié mon amie Julia dans la maison de sa grand-mère. Il n’y avait que Julia, ses sœurs, sa grand-mère et moi sur le plateau. C’était très intime, sans éclairage, ni coiffure ou maquillage, ni même d’assistant photo. J’ai ressenti la même sensation qu’à mes début dans le 8e art. Chaque mouvement ou cliché était très intentionnel et venait du cœur. Il y a peu de temps, ma grand-mère est décédée, et les portraits réalisés pour ce projet m’ont bouleversée, ils ont fait écho à mon histoire.
Une intention venant du cœur, serait-ce le secret d’un portrait réussi ?
Qu’un portrait soit flou, sous-exposé, surexposé ou peu stylisé, les aspects techniques importent peu finalement. Selon moi, tout réside dans la capacité à raconter une histoire à travers des images et le sentiment brut qui s’y dégage. Je crois que toute photo qui vous touche est réussie.
© Thalía Gochez