Dans le Fisheye n°47, nous sommes allés à la rencontre de plus d’une vingtaine d’acteurs du monde de la photo, pour enquêter sur l’intérêt de suivre un cursus scolaire spécialisé. Un dossier dans lequel professeurs, anciens étudiants et spécialistes donnent leurs points de vue. Pour aller plus loin, découvrez ici l’entretien d’Arnaud Lévénès, responsable du secteur photo de La Capsule, au Bourget. Propos recueillis par Éric Karsenty.
Tous les jeunes photographes invités ces dernières années à La Capsule, lieu de résidence photo au Bourget, ont suivi un enseignement photographique et/ou artistique : le Fresnoy, les Beaux-Arts, l’ENSP d’Arles, l’ENSAD, Gobelins, l’ENS Louis-Lumière…, mais pas spécifiquement que des écoles de photographie. Pour les artistes plus âgés, la plupart sont des autodidactes qui ont eu des parcours professionnels hétéroclites. J’ai constaté que les jeunes auteurs sont plus à l’aise dans la structuration d’un propos, l’élaboration et la réflexion sur la construction d’un sujet photographique. En outre, ils sont moins dans le savoir-faire, la technique, les différents procédés, les chaînes de production d’une œuvre, certainement à cause du numérique.
Je pense que beaucoup d’ateliers municipaux, des écoles d’art municipales ou associatives permettent de mettre un pied dans le monde de la création photographique juste à côté de chez soi. Cela permet de tester les techniques sans investir dans des équipements lourds en coût et d’être accompagné souvent par des personnes passionnées et éclairées qui sont déjà dans un réseau. Les ateliers partagés ou les collectifs sont intéressants, ils permettent de mutualiser les compétences, on ne peut pas maîtriser toutes les techniques, il nous faudrait plusieurs vies. La pratique est évidemment le point essentiel pour explorer les différentes techniques, supports et étapes d’une production photographique. Explorer plusieurs techniques photographiques, permet d’écarter celle que l’on ne souhaite pas investir.
MIRAGE © Sarkis Torossian
Enseignement parfois lourd
Il me paraît important de se former pour acquérir des méthodes de travail, explorer des champs différents de la photographie, mais la liberté créatrice s’efface par un enseignement parfois lourd et trop structurant qui étouffe et emprisonne sa création personnelle. L’enseignement artistique nous demande souvent à la fin du cursus de rentrer dans une case (mode, reportage, plasticien), pour faciliter le démarchage des structures qui vont être ciblées. C’est une bonne chose, mais le revers de la médaille est que l’on y perd souvent sa liberté créatrice, et l’on oublie que la première chose que l’on produit c’est pour le public. Apprendre pour s’élever, oui, mais pas pour que tout le monde soit sur le même chemin de la création.
Les stages proposés avec des artistes photographes sont très enrichissants, ils permettent de se positionner dans une nouvelle démarche et/ou de pouvoir l’adapter à sa propre création artistique. Les lectures de portfolios sont aussi très intéressantes, car elles permettent d’avoir un retour direct, souvent constructif et dans l’échange. Cela offre aussi une première clé d’entrée dans un réseau professionnel… Aller voir des expositions photographiques est aussi important que d’apprendre à lire.
Petit Prince © Sarkis Torossian
քար [k’ar] © Sarkis Torossian
Image d’ouverture : Petit Prince © Sarkis Torossian