Jusqu’au 31 juillet 2019, Fotohaus Paris Berlin accueille, dans le cadre du festival Voies Off à Arles, l’exposition collective Mur(s) / Mauer(n). Un thème complexe et contemporain, sublimé par un cadre unique.
Créé en 2015, Fotohaus Paris Berlin s’est imposé comme un lieu d’échange et de rencontre entre photographes, galeries, collectionneurs, éditeurs et passionnés du 8e art. Chaque année, cet événement imaginé par ParisBerlin fotogroup investit une grande maison, rue de la Roquette, durant les Rencontres d’Arles. Tout le mois de juillet, les regards d’une cinquantaine d’artistes et de collectifs se croisent, autour d’un thème commun.
Cette année, c’est le concept de mur qui a inspiré Fotohaus. De 1961 à 1989, le mur de Berlin a symbolisé une confrontation entre deux puissances opposées, deux idéologies. Aujourd’hui, plus de soixante murs hautement sécurisés existent en Europe. Peur de l’autre, isolationnisme, ou nationalisme, ces barrières questionnent les valeurs de l’Union européenne et semblent encourager chaque peuple à s’enfermer. Géopolitiques, factuelles, métaphoriques ou poétiques, les images présentées au sein de cette maison de la photo interrogent les notions de liberté, de censure, d’exil ou encore de passage. Remplie d’artistes talentueux, l’exposition Mur(s) / Mauer(n) invite le visiteur à poser un autre regard sur les murs de notre quotidien.
© Holger Biermann
Visibles comme invisibles
C’est aux passages que se sont intéressés les auteurs du collectif Les Associés. Sébastien Sindeu, Joël Peyrou, Olivier Panier des Touches, Elie Monferier et Alexandre Dupeyron documentent ces lieux, réels ou symboliques, marquant une frontière, séparant des espaces, des cultures, des mondes. Qu’ils documentent les flux migratoires, les sensations d’isolement dans une société étrangère, ou la vulnérabilité poussant l’Homme à se construire des barrières, les photographes représentent avec talent les murs visibles comme invisibles.
© Alexandre Dupeyron
Maud Lecompte, Laura Bonnefous, Margaux Roy, Gabrielle Chaillat et Luc Quelin, du collectif F1.4 occupent l’espace avec des œuvres en volume. Leurs créations deviennent alors un assemblage artistique, représentant un édifice visuel. En jouant avec l’accrochage, les liens esthétiques entre Homme et territoire, ou en choisissant le mur comme support, ces artistes étudient avec poésie leur environnement. Une vision douce et onirique de notre monde.
© à g. Gabrielle Chaillat et à d. Maud Lecompte
Une délicatesse que l’on retrouve dans les images de Peter Puklus. Ce photographe hongrois interroge à travers le 8e art le rôle social de l’homme, les relations père-fils et la prédestination à la paternité. Un déterminisme ancré dans nos sociétés, symbolique d’un mur métaphorique. Miguel Bursch, quant à lui, imagine une ligne de démarcation entre illusion et désillusion, apparence et réalité. Réalisés à Blackpool, au Royaume-Uni, ses clichés capturent un territoire ambigu, divisé entre un quotidien obscur – chômage, toxicomanie – et un flux touristique croissant.
© à g. Peter Puklus à d. Miguel Brusch
Plus réaliste et poignante, la série Utopia de Sebastian Wells donne à voir des camps de réfugiés du monde entier. Ni lieu, ni ville, ses camps fleurissent et abritent des survivants, se battant pour s’adapter à une nouvelle situation de crise. En voyageant en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient, l’auteur a capturé 24 camps. Des espaces devenus le foyer d’une nouvelle catégorie humaine : le réfugié.
Concrets ou imaginaires, les murs présentés à Fotohaus s’assemblent à merveille. Dans ce décor unique – les œuvres décorent toutes les pièces de la maison, des salons aux salles de bain – leurs multiples définitions se complètent et dialoguent. Une immersion réussie.
© Sebastian Wells
© à g. Marion Brun et d. Casper Christophersen
© à g. Margaux Roy et à d. Anja Conrad
Image d’ouverture © Alexandre Dupeyron