Les trésors nocturnes d’Addis-Abeba

25 mai 2018   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Les trésors nocturnes d'Addis-Abeba

Alors qu’il retourne en Éthiopie pour la seconde fois, en 2017, Jeff Le Cardiet découvre, une nuit, des échoppes en plein cœur de la capitale. Fasciné par leurs couleurs vives, il décide de les photographier. En découle son livre, Addis Ababa Mata Souks, une immersion dans l’obscurité des nuits éthiopiennes.

Jeff Le Cardiet découvre l’Éthiopie en 2016, lors d’un voyage personnel. Un périple qui l’aide à se recentrer, après une période difficile de sa vie. Le pays africain s’impose comme une évidence au photographe, fasciné par son histoire. « Au départ, je ne savais pas où aller, mais finalement je n’ai pas hésité longtemps », confie-il. « Il y a une résonance, dans ce pays, une culture passionnante. C’est le berceau de l’humanité – le pays de Lucie – mais aussi celui du jazz, du café ou encore des légendes de la Reine de Saba et du roi Salomon ». C’est sur place qu’il décide de devenir photographe. Il y réalise un premier projet, en noir et blanc, un reportage sur les habitants d’un quartier d’Addis-Abeba.

Lorsqu’il y retourne un an plus tard, dans le but de renouer avec ses modèles, il découvre par hasard des commerces nocturnes le long des rues. Un coup de foudre visuel qui le pousse à démarrer une nouvelle série. « Ce sont des photos très modernes, on n’a pas l’habitude de voir ce genre de clichés de l’Éthiopie », souligne Jeff. « On parle habituellement de famine, d’instabilité politique… mais j’ai préféré me concentrer sur ces petits commerçants ». Les prises de vue sont compliquées. Depuis plus de deux ans, un état d’urgence se prolonge dans le pays et cause des manifestations sanglantes. Une protestation venue du peuple, qui tente de se révolter contre l’État tout puissant, récupérant des terres autour d’Addis-Abeba pour agrandir la ville. « J’ai été questionné par la police plus d’une fois. Ils voulaient récupérer mon appareil », ajoute le photographe. « Les vendeurs, eux, étaient méfiants d’abord, mais grâce à un ami interprète j’ai pu échanger avec eux, leur expliquer qu’il s’agissait d’un projet social, artistique ».

© Jeff Le Cardiet

Un ouvrage immersif

Soirée après soirée, Jeff retourne à la rencontre des commerçants. Il enchaîne les clichés et discute avec chacun d’eux, un rituel particulier qui l’aide à créer un récit intime et poétique. Des tranches aux pages, le livre est plongé dans l’obscurité totale, et révèle ses trésors page après page. Une immersion dans les ruelles de la capitale, aux côtés de Jeff. Sur la couverture, on aperçoit une étrange échoppe, protégée par une fenêtre. La lumière verte qui en émane est mystérieuse, presque surnaturelle. « C’était une très belle rencontre », raconte-t-il. « Le commerçant était un ancien soldat de l’armée, et tenait cette échoppe avec son chat. C’était un homme très doux ». Ces volets annoncent une entrée dans un univers à part, et invitent le lecteur à se plonger dans l’atmosphère fascinante des nuits éthiopiennes. Addis Ababa Mata Souks révèle la beauté des couleurs de ces magasins d’un soir, dans une sorte de réalisme magique envoûtant.

© Jeff Le Cardiet

© Jeff Le Cardiet

© Jeff Le Cardiet

© Jeff Le Cardiet

© Jeff Le Cardiet

© Jeff Le Cardiet

© Jeff Le Cardiet

© Jeff Le Cardiet

Addis-Ababa Mata Souks, auto-édité, 35 €, 108 p.

Explorez
Hommage à Sebastião Salgado, humaniste soucieux de la nature
© Fisheye Magazine
Hommage à Sebastião Salgado, humaniste soucieux de la nature
Sebastião Salgado est décédé ce vendredi 23 mai 2025 à l’âge de 81 ans. Tout au long de sa carrière, le photographe a posé un regard...
26 mai 2025   •  
Écrit par Eric Karsenty
Dans l’œil d’Aletheia Casey : le rouge de la colère et du feu
© Aletheia Casey
Dans l’œil d’Aletheia Casey : le rouge de la colère et du feu
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil d’Aletheia Casey, dont nous vous avons déjà parlé il y a quelques mois. Pour Fisheye, elle...
28 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 21 avril 2025 : la Terre à l’honneur
© Thomas Amen
Les images de la semaine du 21 avril 2025 : la Terre à l’honneur
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye célèbrent la Terre. Dans des approches disparates, les photographes évoquent...
27 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Rephotographier les monts Uinta pour montrer que le changement climatique s’accélère
© William Henry Jackson, 1870 et Joanna Corimanya, Anahi Quezada, et Town Peterson, 2024.
Rephotographier les monts Uinta pour montrer que le changement climatique s’accélère
En septembre 2024, le géologue Jeff Munroe et l’écologiste Joanna Corimanya entreprenaient un trek de 50 kilomètres dans la toundra des...
23 avril 2025   •  
Écrit par Thomas Andrei
Nos derniers articles
Voir tous les articles
L’image comme manifeste au Moulin Blanchard
Le Beat Hotel, 9 rue Gît-le-Coeur, Chambre 41. Thelma Shumsky, scientifique américaine et son amie suédoise Gun, 1957 © Harold Chapman (TopFoto, Roger Viollet)
L’image comme manifeste au Moulin Blanchard
Le Moulin Blanchard rappelle que l’art peut encore être une arme intime et révoltée. Rien d’exhaustif : soixante ans après la Beat...
Il y a 5 heures   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Les Mesnographies 2025 : la sororité comme cri de ralliement
© Thalía Gochez
Les Mesnographies 2025 : la sororité comme cri de ralliement
Du 7 juin au 14 juillet 2025, le festival Les Mesnographies revient pour une cinquième année dans le parc municipal des Mesnuls. Une...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Éléa-Jeanne Schmitter en zone trouble
© Éléa-Jeanne Schmitter
Éléa-Jeanne Schmitter en zone trouble
Die Tore – en allemand, « les portes » – a été publié dans le livre On Death édité par Humble Arts Foundation et Kris Graves Projects...
03 juin 2025   •  
Écrit par Milena III
La sélection Instagram #509 : promenade abracadabrantesque
© Ada Retegan / Instagram
La sélection Instagram #509 : promenade abracadabrantesque
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine convoquent l’étrange. Déformation, fuite de couleurs, surréalisme, chacun·e...
03 juin 2025   •  
Écrit par Marie Baranger