David Jiménez, photographe espagnol, a réédité un ouvrage amorcé en 1998, Infinito. Une occasion de redécouvrir son univers poétique et intense fait de diptyques. Des récits à construire et reconstruire.
« La photographie a la capacité de transmettre beaucoup d’informations, et ce, en contournant la pensée rationnelle. Elle propose plusieurs axes de lecture. J’aime son ambiguïté » annonce David Jiménez, un photographe espagnol qui pratique la photo depuis 30 ans. Voici donc un artiste qui aime remettre en question notre conception de la réalité. « Je crée une nouvelle image en rassemblant des fragments, c’est au lecteur, ensuite de créer les ponts, et de se raconter ses propres histoires ». Publié pour la première fois en 2000, David offre une seconde vie à son ouvrage Infinito. « À ma grande surprise, près de 20 ans après sa première publication, Infinito semble encore susciter un certain enthousiasme, en fait plus qu’à l’époque – une époque où les livres n’étaient pas aussi populaires qu’aujourd’hui», confie le photographe. L’occasion de (re)découvrir ses diptyques noir et blanc.
Dialogue en diptyques
Le travail de David est déroutant, car il ne guide pas son lecteur. On a beau chercher, il n’a glissé aucune ligne de conduite à son égard : l’image se suffit à elle même et l’emporte sur l’écrit. Car ses diptyques affichent un équilibre astucieux entre la forme et le contenu, si bien que les possibilités de lecture dépendront de la sensibilité de chacun. L’un se concentrera sur la matière, tandis qu’un autre sera subjugué par le dialogue symbolique existant entre deux images. Là réside le génie du photographe. Ses images sont gorgées de significations, qu’il nous faut déchiffrer. On y rencontre par exemple un homme happé par sa fumée de cigarette. En face de lui (page attenante), un paysage brumeux. Deux images qui dépeignent la complexité de notre monde. Plus loin, dans un décor épuré, un homme nous tourne le dos. À côté de lui, une ligne lui fait face. La gravité, puis le silence. Les images sont tellement fragmentées qu’elles ouvrent grand le champ des interprétations. À chaque regard, un élément apparaît, on tourne la page et c’en est un autre qui surgit. « Il est vrai qu’il y a une infinité de commencements et de fins », confie David. L’histoire se renouvelle à chaque fois, un bonheur pour le lecteur soucieux de faire « travailler » son imaginaire.
© David Jiménez
Infinito, 35eur, 35 €, 128 p (autoédition)