Le photographe grec Petros Efstathiadis est l’un des lauréats du Prix HSBC 2018. Son livre, Liparo, fait écho à sa série Gold Rush, présentée lors du concours. Un projet qui met en scène un village étrange, sculpté par l’artiste.
Petros Efstathiadis aime jouer avec notre perception. Pensé en couches successives, son travail mélange la photographie et l’art plastique, et s’inspire du cinéma comme de la politique internationale. C’est à cheval entre deux univers que le photographe construit son propre territoire. « Mon travail se divise en plusieurs chapitres, tous influencés par des idées différentes », explique Petros. « Mais tous ces projets font partie d’un même univers. Ils créent un microcosme, un village imaginaire ». Liparo est l’un de ces villages, celui – bien réel – de son enfance. Pourtant, les expériences photographiques de Petros le sculptent et le transforment. « En fait, mon livre parle moins de mon lieu de vie que de ma perception du monde, après l’avoir observé attentivement », précise-t-il.
Sur les pages, de curieuses cabines se dressent, accompagnées de constructions contemporaines. Ces sculptures, étranges et isolées sont également érigées par Petros, car s’il maîtrise la photographie, il s’adonne également à l’art plastique. « C’est une véritable mission, de collecter des objets et de construire des installations », confit-il. « Après les avoir photographiés, commence le travail fastidieux de détruire les objets, de les rendre aux différents propriétaires, ou de les jeter ». Ces créations forment un décor artificiel, ancré dans Liparo, une mise en scène cinématographique qui dresse un nouveau portrait du petit village grec.
L’absurdité du décor
C’est avec humour noir que Petros façonne sa série. Influencé par le monde réel, et l’histoire contemporaine de la Grèce, le travail de Petros se teinte d’absurdité, et d’imaginaire, un moyen pour lui de raconter Liparo autrement. Portés par des mises en scènes évoquant le radeau de la Méduse, ou encore la ruée vers l’or, les personnages de son récit restent pourtant anonymes, indéchiffrables. Le visage caché par des vêtements, ils posent dans ce monde merveilleux. « Je suppose que je suis assez sarcastique », avoue Petros. « Mais je m’en rends seulement compte en regardant mes photos ». Les tissus bariolés qui remplacent les visages des modèles semblent pourtant nous observer, parfois même nous défier, au fil des pages. Une mise en scène à la fois glaçante et amusante. « Quoi que je fasse, je suis toujours fasciné par l’équilibre entre la logique et l’absurdité. C’est seulement en dosant correctement les deux que l’on obtient un résultat surréaliste », résume le photographe.
© Petros Efstathiadis
Vidéo : Fisheye