Cacher pour révéler

20 avril 2023   •  
Écrit par Finley Cutts
Cacher pour révéler

Hautement graphiques, les créations visuelles de Bastiaan Woudt nous emportent dans un monde où la mode et le minimalisme vont de pair. Des monochromes envoûtants à redécouvrir dans le Fisheye #58.

Fragments de temps figé, les portraits de Bastiaan Woudt frappent immanquablement par leur atemporalité. On a du mal à situer ses images, aussi gracieuses que mystérieuses, tant elles livrent peu d’information. On ne reconnaît ni la personne à l’image ni le lieu où elle se trouve. Évocateur des clichés monochromes d’Irving Penn et des aplats audacieux de Sarah Moon, le travail du jeune artiste néerlandais s’inscrit pleinement dans l’héritage de la photographie de mode et positionne le photographe à l’avant-garde de la discipline. Car malgré ses références aux grands portraitistes, il emploie toutes les ressources du numérique pour affirmer son regard et contrôler ses créations. Une virtuosité qui l’a amené à exposer son travail dans de nombreuses galeries à travers l’Europe et l’Amérique du Nord, et à publier plusieurs ouvrages, dont l’immense Rhythm en 2021, avec sa maison d’édition 1605 Publishers. Bastiaan Woudt devient une figure emblématique du 8e art, avec un style reconnaissable entre tous.

Grâce à son minimalisme maîtrisé, il déstructure les corps de ses modèles afin de reconstruire de nouvelles formes. À cet effet, l’utilisation stratégique de chapeaux, de robes et d’écharpes dissimule ses sujets pour mieux révéler leurs caractéristiques. Quelques lignes épurées et un nombre réduit de plans composent ses images qui semblent flotter hors du réel. La courbe imposante d’un tissu, la texture remarquable d’une peau ou le détail étincelant d’un bijou attrapent l’attention et structurent la composition. L’équilibre tient à ces frêles détails car, à l’inverse, le regard des modèles est fuyant. En le camouflant, le photographe nous désoriente et nous prive de toute interprétation. Une dualité que l’on retrouve dans sa palette contrastée. Noirs charbonneux et blancs laiteux, le monochrome permet d’appuyer ce cache-cache visuel avec le modèle. Par l’absence de couleurs, l’artiste joue davantage avec la lumière et souligne les ombres pour créer des compositions expressives. Comme avec un projecteur, le noir et blanc souligne les détails les plus subtils en dissimulant d’autres parties, un jeu de contraste qui rend ses images brillantes.

Tout comme un croquis au fusain peut prendre une forme naïve, les modèles sculptés par les noirs de Bastiaan Woudt s’imposent comme des figures pures et hors du monde. Fruit d’un élan surréaliste, l’œuvre de l’artiste libère la pensée de la raison et de la logique, et révèle les territoires inexplorés de l’inconscient. Face à ces portraits aux allures de tableaux d’art moderne, on ne peut que se laisser entraîner et tomber dans cet univers éthéré. Dans ce jeu de cache-cache entre modèle et regardeur orchestré par le portraitiste, l’interprétation cède la place à la contemplation, et la technique ouvre la voie à la rêverie.

© Bastiaan Woudt© Bastiaan Woudt
© Bastiaan Woudt© Bastiaan Woudt
© Bastiaan Woudt© Bastiaan Woudt
© Bastiaan Woudt© Bastiaan Woudt

© Bastiaan Woudt

Explorez
La sélection Instagram #514 : images indociles
© séquoia photos / Instagram
La sélection Instagram #514 : images indociles
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine incarnent, chacun·e à leur manière, le thème de la 56e édition des célèbres...
08 juillet 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Yves Saint Laurent : une histoire en miroir de la photographie et la mode
Polaroïd pris par le personnel de la maison de couture, cabines du 5, avenue Marceau, Paris. Robe de mariée portée par Laetitia Casta, collection haute couture printemps-été 2000, janvier 2000. © Yves Saint Laurent © Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent
Yves Saint Laurent : une histoire en miroir de la photographie et la mode
Cet été, parmi les accrochages à retrouver aux Rencontres d’Arles se compte Yves Saint Laurent et la photographie, visible à la Mécanique...
07 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Wolfgang Tillmans revient sur sa carte blanche au Centre Pompidou
Wolfgang Tillmans à la Bpi, janvier 2025 © Centre Pompidou
Wolfgang Tillmans revient sur sa carte blanche au Centre Pompidou
Le Centre Pompidou lui donne carte blanche jusqu’au 22 septembre 2025, dernier accrochage avant la fermeture du bâtiment pour cinq ans de...
03 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Marco Dos Santos fait feu de tout bois
© Marco Dos Santos
Marco Dos Santos fait feu de tout bois
Mais peut-il seulement tenir en place ? Depuis plus de vingt ans, Marco Dos Santos trace une trajectoire indocile à travers les scènes...
02 juillet 2025   •  
Écrit par Milena III
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Pour ses vingt ans, MYOP rend hommage au passé pour mieux se tourner vers l’avenir
Militaires russes en visite sur le site de Chersonèse, Ukraine, 2005 © Julien Daniel / MYOP
Pour ses vingt ans, MYOP rend hommage au passé pour mieux se tourner vers l’avenir
Cette année, MYOP fête ses vingt ans. À cette occasion et dans le cadre des Rencontres d’Arles, les photographes de l’agence...
Il y a 5 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Kikuji Kawada : la carte infinie d'un Japon en mutation
Endless Map © Kikuji Kawada, Courtesy PGI
Kikuji Kawada : la carte infinie d’un Japon en mutation
Jusqu’au 5 octobre 2025, à l’occasion des Rencontres de la photographie d’Arles, Kikuji Kawada investit l’espace Vague pour une...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Le jury du grand prix Images Vevey 2025-2026 révèle ses lauréat·es
Rotting from Within, Untitled, 2014-2024 © Abdulhamid Kircher
Le jury du grand prix Images Vevey 2025-2026 révèle ses lauréat·es
Ce mardi 8 juillet, à l’hôtel du Forum à Arles, le jury d’Images Vevey a officiellement annoncé ses lauréat·es : ainsi Abdulhamid Kircher...
09 juillet 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
À Arles, Lila Neutre déploie une piste de danse et de résistance
Edwin Xtravaganza (Latex Ball n°1), série Sculpter le soi – The Rest is Drag, 2015. © Lila Neutre. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
À Arles, Lila Neutre déploie une piste de danse et de résistance
Pour les Rencontres d’Arles, jusqu’au 5 octobre 2025, Lila Neutre installe une piste de danse visuelle à la Maison des peintres, portant...
08 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger