Contes d’hauteurs

21 avril 2022   •  
Écrit par Eric Karsenty
Contes d’hauteurs

À travers des poses-performances, Mikito Tanaka capture, dans Try to Go Over There, le chavirement du fantastique dans la réalité. Une série monochrome défiant les lois de la gravité. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro. 

« Je nage, je grimpe et j’utilise des échelles ou des cordes pour atteindre le lieu de la prise de vue. Ensuite, nous – mes amis ou ma femme – prenons des photos avec un appareil argentique de format 6×7. Et c’est tout », raconte Mikito Tanaka quand on lui demande d’expliquer la construction des images de Try to Go Over There, une série commencée en 2003. Né à Kyoto en 1968, cet artiste japonais diplômé de la Saga University of Art and Design – dont il devient ensuite maître de conférences – travaille pour des magazines ou des publicités quand il entreprend les premières images de cette série. « Mon objectif est d’exprimer des émotions qui ne peuvent être transmises que par l’utilisation de l’acte analogique dans un monde où tout peut être numérisé, explique l’auteur. Il s’agit de sensations aussi bien subjectives qu’objectives, comme des frôlements accidentels de la beauté, des amusements illogiques. » Dans ce qu’il faut bien appeler des performances, le corps de Mikito Tanaka s’inscrit dans le paysage en jouant avec l’architecture urbaine, surfant avec des situations limites qui donnent des frissons. L’humour et l’ironie s’invitent dans ses mises en scène destinées à créer l’image mentale de « ce qui se passerait si quelqu’un se tenait là ». Ces photos qui paraissent parfois dangereuses ne sont pas motivées par des sensations fortes. Elles reflètent plutôt son désir de traduire des images en réalité et de « satisfaire [s]a curiosité de voir la fantaisie devenir réalité ». 

© Mikito Tanaka

Entre réel et fantastique

Nourri par la rigueur des travaux d’Albert Renger-Patzsch, de Bernd et illa Becher, d’Andreas Gursky autant que par la poésie de Shōji Ueda, Mikito Tanaka déploie à travers ses images aux accents surréalistes des sensations nouvelles au goût de liberté. Navigant entre réel et fantastique, son œuvre interroge notre relation à la nature et à la société, sans se départir d’une pointe d’humour qui vient stimuler notre imagination. Ses images sont « comme les graines de quelque chose qui pourrait se développer dans l’avenir », pour reprendre ses mots. S’il est présent dans chacune d’elles, celles-ci ne se présentent pas pour autant comme des autoportraits, explique l’auteur : « Lorsque j’ai commencé à produire cette série, le fait de me présenter comme le sujet n’était pas nécessairement quelque chose de figé. Il me fallait seulement “quelqu’un” qui soit capable de manifester l’image dans mon esprit. J’ai fini par devenir le sujet des photos simplement parce que je voulais être le premier à goûter aux “sensations analogiques” offertes par cette expérience ! » Mais l’auteur ne s’interdit pas, en passant ses clichés en numérique, de supprimer les éléments inutiles (arbres, îles, bâtiments, débris sur l’eau…), d’ajuster le contraste et la luminosité « pour que l’image ait l’aspect qu[’il] souhaite ». Une manière de réduire la complexité de la nature à ses formes géométriques afin de mettre en évidence une certaine austérité esthétique dans une approche minimaliste de l’architecture du paysage. Les images de Mikito Tanaka seront également à découvrir à la London Art Fair du 21 au 24 avril 2022. 

 

Cet article est à retrouver dans Fisheye #52, disponible ici

 

© Mikito Tanaka© Mikito Tanaka

 

© Mikito Tanaka

 

© Mikito Tanaka© Mikito Tanaka

 

 

© Mikito Tanaka

 

© Mikito Tanaka© Mikito Tanaka

© Mikito Tanaka

Explorez
Dans l’œil d’Aletheia Casey : le rouge de la colère et du feu
© Aletheia Casey
Dans l’œil d’Aletheia Casey : le rouge de la colère et du feu
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil d’Aletheia Casey, dont nous vous avons déjà parlé il y a quelques mois. Pour Fisheye, elle...
28 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 21 avril 2025 : la Terre à l’honneur
© Thomas Amen
Les images de la semaine du 21 avril 2025 : la Terre à l’honneur
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye célèbrent la Terre. Dans des approches disparates, les photographes évoquent...
27 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Rephotographier les monts Uinta pour montrer que le changement climatique s’accélère
© William Henry Jackson, 1870 et Joanna Corimanya, Anahi Quezada, et Town Peterson, 2024.
Rephotographier les monts Uinta pour montrer que le changement climatique s’accélère
En septembre 2024, le géologue Jeff Munroe et l’écologiste Joanna Corimanya entreprenaient un trek de 50 kilomètres dans la toundra des...
23 avril 2025   •  
Écrit par Thomas Andrei
Les photographes dans Fisheye célèbrent la Terre, sa fragilité et sa grandeur
Camsuza © Julie Arnoux
Les photographes dans Fisheye célèbrent la Terre, sa fragilité et sa grandeur
Les photographes publié·es sur Fisheye ne cessent de raconter, par le biais des images, les préoccupations de notre époque. À...
22 avril 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 5 mai 2025 : révolution des corps
© Anouk Durocher
Les images de la semaine du 5 mai 2025 : révolution des corps
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages Fisheye célèbrent les corps sous différentes formes, de sa portée politique aux...
11 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Sony World Photography Awards 2025 : Photographier le déni, documenter les résistances
The Journey Home from School © Laura Pannack, United Kingdom, Winner, Professional competition, Perspectives, Sony World Photography Awards 2025.
Sony World Photography Awards 2025 : Photographier le déni, documenter les résistances
Des corps qui chutent, des trajectoires contrariées, des espaces repris de force… Et si la photographie était un langage de reconquête ?...
10 mai 2025   •  
Écrit par Anaïs Viand
Marion Gronier, la folie et le regard
© Marion Gronier, Quelque chose comme une araignée / Courtesy of the artist and Prix Caritas Photo Sociale
Marion Gronier, la folie et le regard
Pendant deux ans, Marion Gronier a arpenté des institutions psychiatriques en France et au Sénégal. Sans jamais montrer de visages, elle...
09 mai 2025   •  
Écrit par Milena III
Anouk Durocher : portrait d'une révolution intime
© Anouk Durocher
Anouk Durocher : portrait d’une révolution intime
Nous avons posé quelques questions à Anouk Durocher, artiste exposée à Circulation(s) 2025. Dans son travail, elle explore l'approche...
08 mai 2025   •  
Écrit par Costanza Spina