À travers des poses-performances, Mikito Tanaka capture, dans Try to Go Over There, le chavirement du fantastique dans la réalité. Une série monochrome défiant les lois de la gravité. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
« Je nage, je grimpe et j’utilise des échelles ou des cordes pour atteindre le lieu de la prise de vue. Ensuite, nous – mes amis ou ma femme – prenons des photos avec un appareil argentique de format 6×7. Et c’est tout », raconte Mikito Tanaka quand on lui demande d’expliquer la construction des images de Try to Go Over There, une série commencée en 2003. Né à Kyoto en 1968, cet artiste japonais diplômé de la Saga University of Art and Design – dont il devient ensuite maître de conférences – travaille pour des magazines ou des publicités quand il entreprend les premières images de cette série. « Mon objectif est d’exprimer des émotions qui ne peuvent être transmises que par l’utilisation de l’acte analogique dans un monde où tout peut être numérisé, explique l’auteur. Il s’agit de sensations aussi bien subjectives qu’objectives, comme des frôlements accidentels de la beauté, des amusements illogiques. » Dans ce qu’il faut bien appeler des performances, le corps de Mikito Tanaka s’inscrit dans le paysage en jouant avec l’architecture urbaine, surfant avec des situations limites qui donnent des frissons. L’humour et l’ironie s’invitent dans ses mises en scène destinées à créer l’image mentale de « ce qui se passerait si quelqu’un se tenait là ». Ces photos qui paraissent parfois dangereuses ne sont pas motivées par des sensations fortes. Elles reflètent plutôt son désir de traduire des images en réalité et de « satisfaire [s]a curiosité de voir la fantaisie devenir réalité ».
Entre réel et fantastique
Nourri par la rigueur des travaux d’Albert Renger-Patzsch, de Bernd et illa Becher, d’Andreas Gursky autant que par la poésie de Shōji Ueda, Mikito Tanaka déploie à travers ses images aux accents surréalistes des sensations nouvelles au goût de liberté. Navigant entre réel et fantastique, son œuvre interroge notre relation à la nature et à la société, sans se départir d’une pointe d’humour qui vient stimuler notre imagination. Ses images sont « comme les graines de quelque chose qui pourrait se développer dans l’avenir », pour reprendre ses mots. S’il est présent dans chacune d’elles, celles-ci ne se présentent pas pour autant comme des autoportraits, explique l’auteur : « Lorsque j’ai commencé à produire cette série, le fait de me présenter comme le sujet n’était pas nécessairement quelque chose de figé. Il me fallait seulement “quelqu’un” qui soit capable de manifester l’image dans mon esprit. J’ai fini par devenir le sujet des photos simplement parce que je voulais être le premier à goûter aux “sensations analogiques” offertes par cette expérience ! » Mais l’auteur ne s’interdit pas, en passant ses clichés en numérique, de supprimer les éléments inutiles (arbres, îles, bâtiments, débris sur l’eau…), d’ajuster le contraste et la luminosité « pour que l’image ait l’aspect qu[’il] souhaite ». Une manière de réduire la complexité de la nature à ses formes géométriques afin de mettre en évidence une certaine austérité esthétique dans une approche minimaliste de l’architecture du paysage. Les images de Mikito Tanaka seront également à découvrir à la London Art Fair du 21 au 24 avril 2022.
Cet article est à retrouver dans Fisheye #52, disponible ici.
© Mikito Tanaka