Cette année, le photographe néerlandais Erwin Olaf fête ses quarante ans de carrière. Un livre publié aux éditions Hannibal et des expositions retracent son parcours foisonnant et expérimental.
« Il est certain qu’il y a du confort à Palm Springs, derrière les murs et les portails. Mais il y a aussi un non-endroit brumeux, envahi par le trafic, avec un fossé toujours plus profond entre riches, majoritairement blancs, et pauvres, majoritairement non blancs »,
témoigne Francis Hodgson, professeur et critique anglais, au sujet de la ville américaine photographiée par Erwin Olaf. La série Palm Springs, réalisée en 2018, constitue le troisième chapitre d’un travail amorcé par le photographe néerlandais sur les villes en transition, faisant suite à Shanghai, en 2017, et à Berlin, en 2013. Visible à partir du 18 mai 2019 à la galerie Rabouan Moussion à Paris, ce projet constitue une nouvelle étape en même temps qu’un retour en arrière. Pour la première fois, Erwin Olaf photographie des paysages et opère un retour dans les années 1960.
« J’aime les détails des sixties à Palm Springs et les histoires qu’ils évoquent », confie-t-il. Intrigué par cette ville artificielle bâtie sur un ancien désert, l’artiste a choisi de documenter un microcosme à l’image des États-Unis. Sur l’une des images, on trouve deux jeunes hommes amoureux : l’un blanc en sous-vêtements, et l’autre noir, vêtu d’un uniforme militaire. Autre instant de vie : une mère noire et sa fille métisse venues pique-niquer observent un champ d’éoliennes. La fillette salue un drapeau américain emmêlé dans les branches d’un arbre. Il dresse un portrait d’une Amérique de la discrimination et du racisme quelques années après la proclamation de la fin de la ségrégation raciale. « Un corps est un corps. Je voulais célébrer tous les types de peaux. J’ai toujours essayé d’être tolérant et ouvert aux autres », précise simplement le photographe. Il suggère l’évidence plus qu’il ne la montre. Là est le génie d’Erwin Olaf : diffuser des messages forts et pourtant subtils.
The Kite © Erwin Olaf / courtesy Rabouan Moussion
Quand on l’interroge sur Donald Trump, il se dérobe gentiment : « Trump n’est qu’un personnage temporaire, je préfère m’intéresser aux mentalités et aux tendances. » Pour ce projet, il évoque deux artistes inspirants. Il a puisé dans l’œuvre de Gordon Parks, photographe, essayiste, journaliste et militant noir américain, le goût pour la justice. Quant à David Hockney – peintre, dessinateur, graveur, photographe et théoricien de l’art britannique –, ses images de piscines californiennes ont fasciné le photographe hollandais qui a choisi de se mettre en scène pour témoigner du rêve américain. Littérature, peinture ou actualités, l’œuvre d’Erwin Olaf est jalonnée de références. En témoigne son parcours présenté à La Haye, aux Pays-Bas, au sein du Gemeentemuseum et au Fotomuseum. Deux rétrospectives complétées par une monographie I am, publiée aux éditions Hannibal.
« Je ne peux pas me livrer plus que cela. Cet ouvrage est le plus représentatif de mon œuvre », explique Erwin Olaf. En plus de retracer quarante ans de carrière, le livre et la double exposition présentent l’esthétique et les opinions politiques d’un homme insatiable. I am, c’est aussi le titre d’un triptyque emblématique, réalisé il y a dix ans. Avec les autoportraits I am, I wish, I will be, le photographe se donne à voir au naturel à l’âge de 50 ans (I am), à travers un corps idéalisé et photoshopé (I wish), et livre un pronostic quant à son avenir (I will be). On découvre alors un homme intubé et amaigri. Une image choc qui renvoie à son emphysème diagnostiqué en 1996 et qui témoigne de son obsession du temps.
Cet article est à retrouver en intégralité dans Fisheye #36, en kiosque et disponible ici.
I am, I wish, I will be © Erwin Olaf / courtesy Galerie Rabouan Moussion
American Dream, Portrait of Alex © Erwin Olaf / courtesy Galerie Rabouan Moussion
The Family Visit, The Niece © Erwin Olaf / courtesy Galerie Rabouan Moussion
Erwin Olaf : I am, Éditions Hannibal, 65 €, 400 pages
Exposition Erwin Olaf : Palm Springs
Du 18 mai au 27 juillet 2019 à la galerie Rabouan Moussion
11 rue Pastourelle, à Paris (3e)