À l’occasion du 10e anniversaire de Fisheye, la RATP invite une dizaine de photographes publié·es dans le magazine à exposer dans dix gares et stations du réseau. Une manière de faire la part belle à la photographie émergente et de placer ces auteur·es sur de bonnes voies. Une exposition en dix stations à découvrir jusqu’au 31 mars. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
En guise de clin d’œil à la saison des carnavals, la RATP a proposé à Fisheye d’explorer les questions du déguisement et du costume à travers les images de photographes publié·es dans le magazine. Une initiative qui s’inscrit dans les opérations « La RATP invite » et qui, à cette occasion, annonce le 10e anniversaire du magazine. « Raconter, Inspirer, Révéler », la trilogie affichée à la une tient ici toutes ses promesses avec les œuvres exposées sur les quais de la Régie autonome des transports parisiens. De Bastille à Nogent-sur-Marne, comme de la station Saint-Denis – Porte de Paris à Châtillon-Montrouge, plusieurs créations insolites et inattendues balisent un parcours qui devrait ravir tout un chacun.
Fatoumata Diabaté revisite les contes traditionnels avec sa série L’Homme en animal où ses images-fables balancent entre ludique et éducatif. Une manière pour la photographe malienne de se transformer en griot du 8e art. C’est aussi en Afrique que Stephan Gladieu réalise avec un collectif d’artistes congolais Homo détritus, une série qui, avec un humour décalé, évoque la problématique de la gestion des déchets et dénonce les conséquences de la surconsommation. « J’ai eu un coup de foudre pour l’Afrique, concède pour sa part Marian Goledzinowski. J’ai pris une tarte monumentale. L’énergie, les gens… » Il y est parti pour suivre un artiste congolais, issu d’un gang d’enfants des rues « qui ne connaissent que la violence, la drogue et l’alcool de maïs » et c’est pourtant avec poésie qu’il aborde cette histoire. Jouant avec leurs costumes, le photographe met en lumière une certaine joie, une insouciance propre à l’enfance.
Le monde de l’utopie a toute sa place dans cette exposition qui se visite en mode travelling. « Je m’intéresse aux utopies du monde réel comme à des lieux qui existent sur un précipice, naviguant aux limites de l’illusion et de la réalité », déclare Gerwyn Davies à propos de sa série Utopia. Paul Rousteau développe quant à lui une œuvre onirique dans laquelle il parvient à capter la beauté, la lumière et les couleurs, même dans un monde particulièrement sombre. « J’essaie de voir ce qu’il y a derrière le réel, tous les mondes invisibles, ses déformations, ses effets. J’essaie de casser le réel, de transformer mon appareil photo pour qu’il me montre autre chose », explique le photographe. Jouant avec les codes de la photo de mode, Chiron Duong cherche à traduire ses émotions à travers les techniques du 8e art. « Je suis davantage intéressé par les questions d’ordre social, la connexion entre l’habitat humain et la Nature, entre l’urbain et le rural », précise l’auteur.
© Chiron Duong, Portraits of Áo Dài: Hope for Peace and Love
Technique de camouflage
Avec Anonymous Women: Domestic House, Patty Carroll détourne elle aussi par ses installations les clichés fashion. Elle traite des femmes et de leurs relations complexes à la domesticité en camouflant leurs figures dans des draperies aux couleurs saturées. C’est encore une technique de camouflage qu’expérimente la Péruvienne Cecilia Paredes à travers sa série Landscapes. La photographe compose ses images en choisissant un arrière-plan à motifs devant lequel elle se met en scène en ayant préalablement peint son corps pour se fondre dans le décor. Un décor qui semble l’absorber et effacer son identité.
Du camouflage aux costumes, Marine Billet nous entraîne dans les montagnes de Bachevo, en Bulgarie. Elle nous raconte les traditions d’un village dont les habitants cachent leurs corps dans des costumes étranges, faits de peaux de bêtes. « À l’aide de leur apparence et de leur danse magique, ils chassent les mauvais esprits afin que l’année à venir soit bonne et la terre fertile », explique-t-elle. Enfin, poussant un cran plus loin les curseurs, le photographe allemand Thorsten Brinkmann présente une réjouissante galerie de hérauts fantasques et moyenâgeux. Une manière d’interpréter, avec humour et fantaisie, la relation de l’homme moderne à l’objet et à sa consommation. Les dix photographes de cette belle invitation anniversaire vous entraîneront sans l’ombre d’un doute dans autant d’aventures et de voyages stimulants. Un joli ticket pour explorer les frontières entre réel et imaginaire.
Retrouvez cet article dans Fisheye #58 !
© Cecilia Paredes, Landscapes
© Patty Carroll, extrait de la série Anonymous Women: Domestic House
© Gerwyn Davies, extrait de la série Utopia
Image d’ouverture : © Gerwyn Davies