Marc Donikian photographie les couleurs et les formes abstraites de la nature. Fascinante, sa pratique, proche des techniques anciennes, se lit comme une plongée contemplative dans l’invisible mystique. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
Marc Donikian travaille la photographie abstraite et figurative, celle qui perd les formes et les renouvelle, confond les couleurs et crée des visions hallucinées. Dans ces images, fruits d’une immersion au cœur des paysages, chacun·e perçoit ce qu’il ou elle veut. Une silhouette humaine parée d’un masque semble se dessiner sur un arbre. Instinctivement on pense à un personnage de carnaval d’un pays de l’Est. « Je photographie les arbres pour les rendre vivants », déclare l’artiste viennois. À l’écoute des ombres, il joue avec les réminiscences et, en une belle charade poétique, ressuscite l’âme des éléments de la nature. Le photographe s’inspire des phénomènes psychiques modifiant la perception humaine comme la paréidolie, qui nous porte à reconnaître des visages ou des formes familières dans un paysage ou un nuage. Une sensibilité qui en dit long sur le fonctionnement de notre cerveau.
Dans l’œil du calligraphe
Au début de la pratique de Marc Donikian, il y avait le noir et blanc, puis est apparue la couleur. C’est elle qui, au fil du temps, a pris le dessus. Avec elle, il invente un langage. S’inspirant du rendu du sténopé – dispositif optique composé d’un petit trou permettant d’obtenir une image grâce à une chambre noire élémentaire – , l’auteur développe un langage original avec un procédé argentique. Et c’est le geste de l’artiste, au sens littéral du terme, qui provoque un jeu pictural avec la lumière et produit la dynamique au cœur de l’image statique. Selon la position de ses doigts devant l’objectif, l’image se métamorphose. Dans son processus créatif, qui exige temps et concentration, Marc Donikian entre dans un état quasi méditatif. Il joue avec la contingence, la frag- mentation et l’ambiguïté, dessinant les traits qui composent l’image du bout des doigts, à la manière d’un calligraphe avec son pinceau.
Les recherches récentes sur la communication entre les arbres, ou les croyances animistes – selon lesquelles une même force vitale anime les êtres, les objets et la nature – marquent également son travail. « En déformant la réalité, je recherche quelque chose d’autre, précise-t-il. L’invisible qui pourrait se cacher derrière celle-ci. » Débarrassées du superflu, ses photographies fantastiques, oniriques ou menaçantes composent une célébration de la nature. Son œuvre est une invitation à entrer dans la danse de ces images allégoriques et à découvrir une énigme qui n’en finit pas de se dérober.
© Marc Donikian