L’application Tinder compte plusieurs millions d’utilisateurs dans le monde, et Maxime Matthys, photojournaliste de 22 ans, est allé à la rencontre d’une vingtaine d’entre eux. Jeunes et moins jeunes, ces garçons et ces filles nous racontent les relations instantanées qu’ils gèrent depuis leur smartphone. Cet article fait partie de notre dernier numéro.
« Slt, tu cherches quoi ? »
À l’heure des réseaux sociaux et de l’hyperconnectivité, la drague version 3.0 n’a jamais semblé aussi simple, directe, efficace. L’époque n’est plus aux préliminaires timides, aux lettres enflammées ou aux discussions romantiques. C’est plutôt tout de suite, ici et maintenant… ou jamais ! Chloé, Daisy, David, Dung, Elena, Élodie et Grégoire sont quelques-uns des millions d’adeptes de l’application de rencontre Tinder. Dans l’intimité de leur chambre à coucher, le soir, quand la ville s’endort, ils entrent en contact avec d’autres âmes esseulées, en quête d’une relation amoureuse sérieuse ou d’un soir. Pour la vingtaine de Parisiens qui se sont confiés à Maxime Matthys, Tinder relève, selon les cas, de l’accélérateur de rencontres, du bal musette géant, voire du supermarché.
La vraie vie, mais en mieux
Si Maxime s’est intéressé à cette génération Tinder, c’est qu’il est précisément dans le cœur de cible des utilisateurs : les jeunes urbains de moins de 30 ans. Âgé de 22 ans, ce grand blond a passé son enfance en Belgique, avant de suivre sa famille dans la campagne gersoise à l’âge de 16 ans. Après deux ans d’école de photographie à l’ETPA de Toulouse, le jeune homme monte à Paris pour suivre une formation en photojournalisme, à l’EMI-CFD. C’était il y a tout juste un an, en octobre 2016. Quand Maxime débarque dans la capitale, il est célibataire et ne connaît personne. Toutes les conditions sont réunies pour tester Tinder, « le moyen de rencontrer des gens comme dans la vraie vie, mais en mieux », comme l’affirme le slogan.
Si l’application a autant de succès, c’est qu’elle est gratuite et simple d’accès. Il suffit de quelques minutes pour remplir son profil et télécharger une série de photos avantageuses. Peut alors commencer ce que le photographe appelle le « shopping amoureux ». Si un profil lui plaît, l’utilisateur le like par un balayage de l’écran vers la droite. Sinon, il le balaye par la gauche : pas intéressé ! Quand deux personnes s’apprécient mutuellement, il se produit un « match » : c’est la possibilité d’entrer en contact direct par le biais d’une messagerie privée.
Chloé lance plusieurs conversations simultanées au risque de s’y perdre. « C’est malsain, mais d’un autre côté on reste quand même dessus, ce qui est très étrange » © Maxime Matthys
Rendez-vous instantanés
« Au bout de quelques semaines d’utilisation, j’ai eu un match avec une fille et, le soir même, on s’est rencontré chez moi,
raconte Maxime. Finalement, cela n’a pas collé, mais cette première rencontre a constitué un élément déclencheur. J’ai été surpris par le côté instantané du rendez-vous, comme si tu commandais une pizza ou des sushis à domicile ! » À la recherche d’idées de reportage, le jeune homme voit combien l’application alimente les conversations en soirée. Il sait qu’il a trouvé son sujet. Pour contacter des utilisateurs, il ouvre un compte spécifique, et comme il l’explique sur son profil, il n’est pas inscrit pour des conquêtes, mais bien pour réaliser un projet documentaire « sans jugement ». En six mois de pratique intensive, le jeune reporter comptabilise quelque 900 matchs, dont il estime que seulement 5 % ont effectivement débouché sur une rencontre. Maxime a pris le temps d’interviewer longuement chaque témoin avant de faire leur portrait. « Pour la séance photo, je leur demandais de se mettre à l’aise, comme si on ouvrait la porte de leur chambre. » Chaque portrait est complété par une image de l’écran du portable affichant le profil d’un de ses contacts Tinder. La mélancolie qui se dégage de ces diptyques est compensée par les témoignages, souvent drôles et touchants. Odile, une hôtesse de l’air de 45 ans qui accumule les expériences avec de jeunes étalons, raconte comment elle s’est progressivement constituée, sans le demander, une « belle collection de photos de bites ». Ses contacts ne peuvent s’empêcher de les lui envoyer. Mais d’autres histoires dérapent vers le sexe trash ou l’agression sexuelle. Traumatisée par un viol qui a bien entamé sa confiance dans la gent masculine, Elena a, malgré tout, accepté de témoigner pour tenter de sensibiliser d’autres victimes potentielles.
« C’est un bon moyen pour se changer les idées et regonfler son ego, explique Elodie, tout en reconnaissant que ce genre de système altère les rapports humains. » © Maxime Matthys
Dung. Accélérateur de rencontres, shopping amoureux ou plans cul, l’application gratuite est utilisée quotidiennement par des millions d’utilisateurs dans le monde © Maxime Matthys
L’intégralité de cet article est à retrouver dans Fisheye #26, en kiosque depuis le 16 septembre et disponible sur Relay.com