Les coups de cœur #384

11 avril 2022   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Les coups de cœur #384

Eleonora Sabet et Alexandre Bagdassarian, nos coups de cœur #384 voient le médium photographique comme un outil permettant la rencontre. L’une s’en sert pour documenter l’intimité queer, et l’autre, différents enjeux sociaux.

Eleonora Sabet

Née en 1995 à Milan, Eleonora Sabet a commencé à expérimenter avec la photographie à travers l’autoportrait. « J’ai découvert le 8e art à une période sombre, où j’essayais de comprendre et d’analyser mes traumatismes passés. Au lieu d’écrire dans un journal, je prenais une photo de moi par jour », se souvient-elle. En 2018, l’autrice d’origine syrienne et palestinienne voyage au Moyen-Orient pour parfaire sa technique. Un périple qui développe son amour des sujets sociaux. Guidée par son instinct, l’artiste porte aujourd’hui son attention sur les minorités et la manière dont elles sont représentées. Dans Have you ever dreamed of a day like this?, elle questionne son propre rapport aux autres. « Lors d’une conversation avec ma meilleure amie, j’ai réalisé que j’avais du mal à photographier les femmes. J’ai ainsi réalisé que cette anxiété était liée à ma peur de les sexualiser, puisque je suis lesbienne », explique-t-elle. Dans sa chambre, elle improvise alors une sorte de studio, d’endroit sûr où ses modèles peuvent se dévoiler. En parallèle, la série prend racine dans une autre peur d’Eleonora Sabet : celle de l’abandon. « L’identité de genre et la romance liées à la communauté queer sont également présentes dans la narration, puisqu’elles sont fondamentales dans l’intimité d’une lesbienne non-binaire », ajoute-t-elle. Un besoin de reconnaissance et d’individualité se traduisant par des textes, écrits à la main par les modèles sur les images – une manière de leur donner l’espace nécessaire, et de laisser entendre leur voix.

© Eleonora Sabet© Eleonora Sabet
© Eleonora Sabet© Eleonora Sabet
© Eleonora Sabet© Eleonora Sabet

© Eleonora Sabet

Alexandre Bagdassarian

« Pour moi, la photographie n’est pas un outil reflétant avec transparence le réel. Elle est une porte d’entrée, un passage rempli d’affects puissants qui se compose devant nous. Ma pratique est avant tout ancrée dans la réalité du temps et de l’histoire. Construire des séries me permet aussi de développer une vision sensible et poétique »

, explique Alexandre Bagdassarian. Alors qu’il étudie aux Arts décoratifs de Paris, l’auteur passe un semestre au Chili, entre 2013 et 2014, qui ancre un lui un amour du voyage éprouvé depuis son enfance. Après un passage de quelques années dans un studio publicitaire, il revient aujourd’hui à une pratique plus ancrée dans le documentaire. Dans ses images, portraits contemplatifs et panoramas déserts se croisent, renforçant notre lien au vivant « Un très fort bégaiement a entravé mes vingt premières années, socialement et humainement. La photographie offre un moyen – presque thérapeutique – de s’exprimer différemment, d’apprendre à aller vers l’autre », poursuit-il. Une empathie qu’il poursuit dans ces deux derniers projets en date : « l’un traite de la solitude et de la notion d’identité dans le désert d’Atacama, et l’autre de la mémoire collective et individuelle de la société arménienne qui ne cesse d’accumuler des traumatismes géopolitiques et sociétaux », précise l’auteur. Un goût pour l’évasion, l’inconnu, les coutumes et récits en terres étrangères qu’il développe à l’argentique, au moyen-format.

© Alexandre Bagdassarian

© Alexandre Bagdassarian© Alexandre Bagdassarian
© Alexandre Bagdassarian© Alexandre Bagdassarian

© Alexandre Bagdassarian

© Alexandre Bagdassarian

Image d’ouverture : © Eleonora Sabet

Explorez
Theo Wenner : True detectives
Le sergent Brennan montre un impact de balle qui pourrait suggérer que le tireur a poursuivi la victime dans l'escalier avant de la tuer © Theo Wenner
Theo Wenner : True detectives
Theo Wenner est le premier photographe à avoir pu s’immiscer dans le quotidien de la division homicide du New York City Police...
À l'instant   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 27.01.25 au 02.02.25 : Nouvel An lunaire et faits divers
Chambre 207 © Jean-Michel André
Les images de la semaine du 27.01.25 au 02.02.25 : Nouvel An lunaire et faits divers
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye évoquent le Nouvel An lunaire, qui a eu lieu ce mercredi 29 janvier. Dans le...
02 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
À la Galerie Magnum, Ernest Cole met en lumière les strates de l'apartheid
Ernest Cole House of Bondage © Ernest Cole/Magnum Photos. Shebeens and Bantu Beer. 1960s.
À la Galerie Magnum, Ernest Cole met en lumière les strates de l’apartheid
La Galerie Magnum, située dans une petite cour intimiste de la rue Léon à Paris, s’est transformée en un livre ouvert sur le travail du...
01 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La Filature présente l'exposition Ce silence est bruissant de paroles
© Arno Brignon
La Filature présente l’exposition Ce silence est bruissant de paroles
Jusqu’au 25 mars, La Filature de Mulhouse présente l’exposition Ce silence est bruissant de paroles, un travail collectif qui réunit les...
31 janvier 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Theo Wenner : True detectives
Le sergent Brennan montre un impact de balle qui pourrait suggérer que le tireur a poursuivi la victime dans l'escalier avant de la tuer © Theo Wenner
Theo Wenner : True detectives
Theo Wenner est le premier photographe à avoir pu s’immiscer dans le quotidien de la division homicide du New York City Police...
À l'instant   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Prix Polyptyque 2024 : célébration des expérimentations et du livre photo
© Marion Ellena. Scrolling (de la ventana), 2023.
Prix Polyptyque 2024 : célébration des expérimentations et du livre photo
La Galerie Sit Down à Paris accueille les quatre lauréat·es du Prix Polyptyque 2024 pour une exposition conjointe qui se tient jusqu’au...
05 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Beggar’s Honey : Jack Latham s’immisce dans le monde clandestin des fermes à clics
© Jack Latham
Beggar’s Honey : Jack Latham s’immisce dans le monde clandestin des fermes à clics
Depuis dix ans, Jack Latham mène des recherches sur la naissance des théories conspirationnistes et la manière dont ces récits sont...
04 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #492 : battre le pavé
© Annissa Durar / Instagram
La sélection Instagram #492 : battre le pavé
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine s’emparent de la rue, l'arpentent, la figent, la saisissent. Détails chocs...
04 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger