Directrice artistique, photographe et artiste plasticienne, Anna Muller aime multiplier les approches autant que les strates de collages. Composant avec des images de mode, l’artiste fait fi des tendances pour redonner vie à des créations défiant les saisons.
« Assise dans mon studio, entourée de magazines, je sélectionne des pages, des pièces individuelles. Couper, relier, mélanger, déplacer, répéter jusqu’à ce que les éléments commencent à former une seule histoire. Réaliser la bonne combinaison, d’abord dans la couleur qui est toujours mon guide et ma référence initiale, et seulement ensuite dans la forme et le sens »
, confie Anna Muller. Créatrice pluridisciplinaire, à la fois directrice artistique, photographe et colleuse, Anna Muller s’est construite aux croisements des cultures. Née et élevée dans une ville de la province russe jusqu’à ses 25 ans, elle part s’installer au Japon. C’est au même moment que la photographie apparaît dans sa vie. Puisant ses influences dans la culture nippone et cherchant à la fois à enrichir ses influences, elle parvient par le médium à communiquer, sans maîtriser pour autant la langue des lieux qu’elle traverse.
Évoluant professionnellement dans le domaine de la mode et du luxe depuis une quinzaine d’années, elle conçoit les collages comme une extension évidente de sa créativité. Perçue tel un univers de rêve, de beauté ou de fantaisie, la mode lui octroie autant d’inspirations que de sujets à briser, déchirer ou retravailler. « J’ai une passion pour les magazines qui lui sont dédiés. Leur vie est si courte ! Pour moi, les découper, c’est leur donner une nouvelle vie, les amener à quelque chose de différent. Le collage est une forme d’art durable. Des milliers de pages imprimées ont une chance de devenir un nouvel art plutôt qu’un déchet. »
Vies secondes
Renaissant dans un élan surréaliste, ses photographies – ou les images qu’elle a dénichées dans des revues féminines abîmées – n’attendent qu’à être observées. Le temps des pages publicitaires en grands formats sur papier glacé s’est envolé, pour laisser place à l’œuvre en soi. Escarpins Louboutin gigantesques, corps longilignes coupés en deux, mains projetées dans les airs, visages dévisagés… Anna Muller se libère des protocoles et de la forme pour donner vie à des créations décomplexées. « Tout au long du processus, la logique et la rationalité n’ont pas leur place. J’entre dans un état presque enfantin, complètement immergé dans mon propre jeu. Il n’y a pas de plus grand plaisir que celui que je ressens lorsque la partie est terminée et que tout se met en place : les personnages, leur humeur et leur relation », explique-t-elle.
Des compositions visuelles déstructurées qui se réarrangent par leurs nuances volontairement saturées. Consciente de la force émotionnelle provoquée par les couleurs, Anna Muller les mélange et les réassemble avec une harmonie singulière pour convoquer des souvenirs. Avec un brin d’ironie et d’illusoire elle souhaite produire de nouveaux messages – plus simples à accueillir par le spectateur·rice – qu’iels détiendront plus longtemps dans leur inconscient.
© Anna Muller