Michał Siarek, photographe d’origine polonaise s’intéresse particulièrement à l’histoire complexe des territoires. Avec son ouvrage, Alexander, publié en 2018, il documente la crise identitaire qu’endure la Macédoine.
Dès ses premiers pas dans l’univers de la photographie, Michał Siarek découvre le territoire de la Macédoine, et son architecture antique grandiloquente. Très vite, il se passionne pour le passé complexe de ce lieu, situé au carrefour des Balkans.« Je ne suis pas important, dans ce récit », explique Michał. « Mon métier de photographe est devenu rapidement moins important que l’image de la Macédoine elle-même ». Son ouvrage, fruit d’un travail de plusieurs années, présente une vision d’ensemble de cette région, dans tous ses questionnements, ses querelles et ses contradictions. Les photographies d’Alexander sont complétées par des brochures glissées dans les pages, comme des invitations à s’instruire.
La Macédoine est une zone isolée de l’Europe du sud-est, entourée de montagne. Influencé par les cultures yougoslaves, bulgares et grecques, le pays compte plusieurs langues et croyances différentes. « C’est un pays qui finalement n’a jamais existé », précise Michał. « Beaucoup de gens ne savent pas ce qu’est la Macédoine ». En proie à un conflit continu avec la Grèce, le territoire n’a pas de nom, et ne peut pas s’intégrer à l’OTAN ni à l’Union européenne. Dès 2006, le gouvernement lance une nouvelle campagne, dans le but d’unifier un territoire trop divisé. « Ils ont alors commencé à reconstruire les villes… Ils souhaitaient en être fiers ». Plusieurs d’entre elles, comme Skopje – détruite par un tremblement de terre en 1963 – se métamorphosent. Les bâtiments rappelant l’avènement du communisme disparaissent au profit d’une architecture « universelle et indémodable ». Au XXIe siècle s’érigent alors des cités à l’architecture antique, vestiges d’un passé que la Macédoine tente de se remémorer.
Un décor à taille réelle
« Lorsque je suis arrivé à Skopje, j’ai vu cette immense sculpture, appelée « Guerrier sur un cheval ». Il s’agissait bien évidemment d’une représentation d’Alexandre le Grand. Pourtant, en vue des conflits avec la Grèce, elle ne pouvait être nommée ainsi »,
raconte le photographe. Faux-semblant et grandiloquence, deux termes qui semblent définir l’architecture des villes macédoniennes. Très vite Michał s’imprègne de la théâtralité particulière du territoire, et choisit de capturer les lieux à la manière de décors. Si le musée d’architecture semble installé dans un temple grec antique, sa construction est en fait contemporaine. « Et puis, on voit ces bateaux, faits de ciments et amarrés dans la rivière. En réalité, ce cours d’eau est si peu profond que l’on peut le traverser à pied », se souvient Michał. En jouant avec les échelles, le photographe produit des clichés étranges, mettant en évidence l’absurdité des lieux. À travers les pages, la présence d’Alexandre le Grand se fait sentir, figure emblématique de la Macédoine, le conquérant est vu comme un héros par certaines cultures, comme un barbare par d’autres. Les désaccords et mystères autour de son existence nourrissent avec intelligence les incohérences des constructions macédoniennes. « Ce que j’ai réalisé, finalement, c’est une archive. Une archive que la Macédoine devrait posséder », conclut-il.
© Michał Siarek
Alexander, auto-publié, 45€, 144 p.