ROC : élans de vie

09 mars 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
ROC : élans de vie

Coincé à New York lors du premier confinement, et en convalescence suite à une maladie, le photographe américain Carlos Jaramillo réalise un zine, intitulé ROC. Une série contemplative illustrant son retour au 8e art, et à la vie.

Baigneurs solitaires, ombres chinoises de pêcheurs, jeunes venus festoyer le temps d’un week-end… Dans ROC, le photographe texan Carlos Jaramillo fait le portrait mélancolique de Rockaway Beach, plage du Queens, à New York. En noir et blanc, alternant natures mortes symboliques et portraits, il dépeint un univers doux, hors du temps.

C’est à l’université que l’artiste se passionne véritablement pour le 8e art, après avoir expérimenté avec un boîtier compact, lors de sorties skate avec ses amis. « L’un de mes professeurs m’avait présenté la photographie comme un chemin de carrière possible. Les arts n’avaient jusque là jamais été considérés comme un choix potentiel, encore moins comme une manière de gagner sa vie », se souvient-il. Privilégiant une approche « lente et romantique » du médium, Carlos Jaramillo aime prendre le temps de soigner ses compositions. Introspectif, il cherche à interagir avec l’image, à imaginer son propre récit – et invite le regardeur à faire de même. « Un défi difficile à réaliser compte tenu de la quantité de photos qui inondent les réseaux sociaux », précise-t-il.

© Carlos Jaramillo

Un entre-deux hors du temps

C’est durant une période difficile que le photographe débute ROC. « En janvier 2019, j’ai appris que j’avais un cancer, et que je devais subir une opération pour enlever ma tumeur. C’était la pire période de ma vie. Un an plus tard, la pandémie survient, et je me retrouve coincé à New York, sans rien à faire. Par pur ennui, j’ai repris mon appareil, et j’ai commencé à photographier ma maison et mon voisinage. C’était la toute première fois depuis mon hospitalisation », raconte-t-il. Rockaway Beach, ses plages et ses passants deviennent alors un refuge pour l’auteur, qui voit en ce lieu un nouveau départ, une nouvelle source d’inspiration. Contemplatif, ROC se lit comme un récit entremêlant passé et présent pour construire un entre-deux hors du temps. Dans les images de Carlos Jaramillo, les matières s’estompent, les contours deviennent flous. Monochrome, la série est baignée par une lumière délicate, des gris presque chaleureux, qui adoucissent les contrastes et effacent les émotions négatives. « Je voulais donner à cette série une esthétique bien particulière, inspirée par mes premières photos. À l’époque, j’allais développer mes pellicules dans un endroit pourri, qui utilisait de vieux produits chimiques – j’étais fauché et ce lieu était le moins cher. Pour cette raison, mes photos sortaient floues, et possédaient une sorte d’aura brillante », confie l’artiste, qui a souhaité, pour réaliser son zine, retrouver cette particularité.

Et dans cet univers vaporeux, certaines récurrences émergent – comme la symbolique des poissons. « J’ai toujours été un fan de Bernd et Hilla Becher et de leurs études architecturales, et j’ai eu envie de leur rendre hommage. Je pense que chaque poisson évoque un détail de mon passé, une émotion provoquée par mon cancer. Certaines métaphores sont évidentes – le poisson congelé représente par exemple l’hiver new-yorkais et ma frustration d’en être prisonnier », explique l’auteur. Comme des flambeaux brillant dans la brume, ces natures mortes guident nos pensées, rythment notre méditation. Véritable ode à la vie, ROC est un melting pot de doutes et de sensations. Une manière originale d’encapsuler « la beauté, la religion, la peur, la mort, l’amitié, l’amour, l’espace, la vulnérabilité et la photographie », conclut l’auteur.

 

ROC, autoédité, 20$, 40 p.

© Carlos Jaramillo© Carlos Jaramillo

 

© Carlos Jaramillo

 

© Carlos Jaramillo

 

© Carlos Jaramillo© Carlos Jaramillo

 

© Carlos Jaramillo© Carlos Jaramillo

 

© Carlos Jaramillo

 

© Carlos Jaramillo

 

© Carlos Jaramillo© Carlos Jaramillo

© Carlos Jaramillo

Explorez
Jérémy Saint-Peyre et les cicatrices invisibles des traumatismes
© Jérémy Saint-Peyre
Jérémy Saint-Peyre et les cicatrices invisibles des traumatismes
Dans Là où même le bleu du ciel est sale, Jérémy Saint-Peyre s’intéresse aux « violences latentes », invisibles et douloureuses, qui...
03 décembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Dans l’œil de Sara Imloul : un portrait et sa catharsis
© Sara Imloul
Dans l’œil de Sara Imloul : un portrait et sa catharsis
Cette semaine, plongée dans l’œil de Sara Imloul, autrice de Das Schloss. Dans cette série, à découvrir en ce moment même à Deauville...
02 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Superfacial : la célébrité selon Audrey Tautou
© Audrey Tautou
Superfacial : la célébrité selon Audrey Tautou
Le 29 novembre 2024 marque le retour d’Audrey Tautou. Non pas sur les grands écrans des salles sombres, là où on avait l’habitude de la...
29 novembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Father : Diana Markosian fige ses retrouvailles avec un père dont elle a été séparée
Extrait de Father (Atelier EXB Paris, 2024) © Diana Markosian
Father : Diana Markosian fige ses retrouvailles avec un père dont elle a été séparée
Dans Father, Diana Markosian prolonge le récit intime qu’elle avait entamé avec Santa Barbara, qui revenait alors sur son départ...
28 novembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Jérémy Saint-Peyre et les cicatrices invisibles des traumatismes
© Jérémy Saint-Peyre
Jérémy Saint-Peyre et les cicatrices invisibles des traumatismes
Dans Là où même le bleu du ciel est sale, Jérémy Saint-Peyre s’intéresse aux « violences latentes », invisibles et douloureuses, qui...
03 décembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
La sélection Instagram #483 : vent glacial
© Kim Kkam / Instagram
La sélection Instagram #483 : vent glacial
La première neige de la saison est tombée. Le froid s’installe doucement dans notre sélection Instagram de la semaine. Les artistes...
03 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Dans l’œil de Sara Imloul : un portrait et sa catharsis
© Sara Imloul
Dans l’œil de Sara Imloul : un portrait et sa catharsis
Cette semaine, plongée dans l’œil de Sara Imloul, autrice de Das Schloss. Dans cette série, à découvrir en ce moment même à Deauville...
02 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #521 : Aurélia Sendra et Hugo Payen
© Hugo Payen
Les coups de cœur #521 : Aurélia Sendra et Hugo Payen
Aurélia Sendra et Hugo Payen, nos coups de cœur de la semaine, figent les instants de milieux disparates. La première prend pour cadre...
02 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet