C’est à l’âge de seize ans que Yamamoto Masao a commencé la photographie. Une pratique qu’il associe à la méditation. Dans son ouvrage Sasanami, réalisé avec le musicien Akira Uchida, et publié par les éditions IIKKI Books, il se pose en fin observateur de la nature, et nous offre une pause contemplative.
« J’aime l’idée que mes images donnent la sensation de photos anonymes, qu’elles gardent un certain mystère…Je ne donne jamais ni date, ni titre. Que chacun se les approprie et invente à partir d’elles sa propre histoire ». Nous pouvons lire ces quelques mots sur le site de la Galerie Camera Obscura, qui, en France, représente le photographe japonais Yamamoto Masao. Aussi discret que ses images, l’artiste ne donne que très peu d’interview. Nous n’aurons pas eu la chance d’échanger avec celui qui a fabriqué les images du douzième numéro d’IIKKI Books, maison d’édition tissant des liens forts entre la photo et la musique. Pour Sasanami (« Mon nom », en japonais, NDLR), son directeur Mathias Van Eecloo, a réuni un grand nom de la photographie et un prodigieux musicien lui aussi originaire du Pays du soleil levant, Akira Uchida, saxophoniste et pianiste. Que les choses soient claires : parcourir le livre tout en se laissant bercer par la mélodie provoque un bien-être fou. Quelques pages suffisent pour laisser courir les pensées, et débrancher les mémoires vives… Yamamoto Masao et Akira Uchida ont un don. Ils savent tous deux comment nous entraîner dans un flow de sérénité. Un fragment de corps, un oiseau, une branche, une vague, une forêt, et puis une ligne d’horizon. Autrement dit, des éclairs de grâce qui forcent à la contemplation – des respirations naturelles.
Une méditation malgré nous
Pénétrer dans l’univers de Yamamoto Masao, c’est comme se laisser prendre dans une douce chorégraphie où la nature et ses merveilles nous donne le la. Et pourtant, Yamamoto Masao est l’un de ceux qui réussit à photographier le silence, et plus difficile encore, une forme de spiritualité. Les notes de piano deviennent un doux murmure. Elles nous suggèrent une évidence : les deux auteurs ont besoin d’être connectés à l’environnement pour créer. Et ils ouvrent avec Sasanami une fenêtre sur leur paysage intérieur. Un espace de calme absolu où la nature et ses mouvements reprennent leur droit. Entre la terre et la mer, entre le monde des songes, et la réalité se cachent le sublime, parfois indéchiffrable, mais toujours inspirant et reposant. Un délice pour l’âme qui navigue ici, et là. Un arrêt au sommet d’une montagne mystérieuse, et plus tard une longue observation : face à nous, une chouette silencieuse nous tourne le dos. Dans ses « Élévations », (Les Fleurs du mal), Baudelaire avait vu juste : « Heureux celui qui plane sur la vie, et comprend sans effort le langage des fleurs et des choses muettes ». Sasanami, c’est une méditation malgré nous, une invitation à réfléchir, aux côtés des deux auteurs, au « caractère passager de notre présence dans ce monde ». Peinture japonaise ou haïkus… Ses images en appellent d’autres à celles et ceux qui veulent bien voir. Raisonnent enfin d’autres vers… Ceux du poète John Keats : « Toute beauté est cause de joie pour toujours » (Endymion, The Poetical Works of John Keats). Mathias Van Eecloo, Yamamoto Masao et Akira Uchida n’ont pas seulement réussi cet ouvrage, ils installent là un au-delà de l’image.
Sasanami, IIKKI Books , 45 €, 80p.
© Yamamoto Masao