Fisheye: Quand as-tu décidé de devenir photographe?
Alma Haser: Ma mère est une artiste qui travaille avec beaucoup de techniques différentes. Elle a développé une passion pour le sténopé et demandait à mon frère et moi de nous allonger sur notre lit, face à l’appareil qui était scotché au plafond. Ces 10 minutes d’immobilité n’étaient jamais très amusantes mais découvrir le résultat dans la chambre noire était génial… Ce souvenir m’a marqué et m’a vraiment donné l’envie d’étudier la photographie.
Comment décrirais-tu ton style en quelques mots?
Espiègle, un peu enfantin avec un soupçon de bizarrerie.
Qu’est-ce qui t’attires dans le collage?
Toute ma vie, j’ai été partagée entre les Beaux Arts et la photographie et j’ai décidé récemment que je n’avais pas à choisir: je me suis mise à mélanger ces deux techniques. J’adore créer et je trouve souvent la photo traditionnelle trop figée. Depuis quelques temps, j’ai pris l’habitude d’imprimer mes images pour voir comment je pouvais les travailler en dehors de l’appareil, je les découpe puis les réassemble différemment.
Avec toujours un objectif à l’esprit … ?
Pas vraiment. Je tâtonne, je fais des erreurs: il est très rare que j’ai le résultat en tête avant même d’avoir commencé mon collage. J’utilise uniquement la photo imprimée dans mes collages alors j’essaye beaucoup de combinaisons différentes avant que l’image finale ne prenne forme.
Pourquoi aimes-tu tant les portraits ?
J’adore le mystère qui entoure les modèles. Quand je n’arrive pas à percer leurs secrets, je suis fascinée. J’essaye de capturer leur air énigmatique …
Qui sont tes sources d’inspiration ?
J’aime beaucoup l’originalité du travail d’Erwin Wurm et la sensibilité qui se dégage des auto-portraits de Francesca Woodman.
Y a t’il une image dont tu es particulièrement fière?
Je dirais que ma série Cosmic Surgery, qui m’a permis de percer, me rend très fière.
Justement, peux-tu nous en dire plus sur ce projet?
Tout a commencé alors que je réalisais des masques en origami pour des auto-portraits. J’ai eu l’idée d’imprimer des visages, de les plier à la manière d’un origami, de les poser sur les portraits originaux et de photographier le résultat. J’ai invité des amis, les ai photographié et la série est née. J’ai trouvé son titre après avoir passé une soirée à parler chirurgie esthétique (cosmetic surgery en anglais) avec ma famille. Je suis dyslexique et je n’arrêtais pas de me tromper en disant “cosmic surgery” … La formule m’est restée.
Tu en as même tiré un livre …
J’ai toujours adoré les livres animés alors j’ai décidé de faire le mien. L’idée de rendre aux images de la série leur trois dimensions me plaisait: ça aurait été dommage que les lecteurs n’aient que la version aplatie des constructions en origami. J’ignorais seulement que publier un livre animé coutait non seulement très cher mais était aussi très difficile à réaliser. Ça m’a pris un an et j’ai du solliciter l’aide d’Emily Macauley pour concevoir ce projet. J’adore les livres photos, j’en ai un paquet chez moi mais je ne les ouvre pas souvent alors j’ai souhaité sortir un livre interactif. Les gens me disent qu’ils l’ouvrent souvent pour redécouvrir les pliages: c’est exactement ce que je recherchais.
On aime aussi beaucoup ta série The Eureka effect: quel est le message que tu souhaitais faire passer avec ces photos?
Je discutais avec la directrice artistique Gemma Fletcher de mon envie de réaliser un projet mêlant collage et portrait. J’ai d’abord pris des photos de modèles, puis ai photographié des fleurs et des plantes. Je les ai ensuite coupées et assemblées avant de scanner le résultat. Les fleurs symbolisent la naissance d’une idée, ce moment que l’on a tous déjà vécu où l’on s’écrie “Eurêka!”.
Propos recueillis par Hélène Rocco