Pour cette toute première chronique de l’année 2018, j’avais l’ambition de vous parler du Marais, de vous raconter comment ce quartier est devenu un terreau vivace en matière de photographie. Un sujet d’actualité puisque le changement de direction à la MEP provoquera indéniablement une nouvelle attractivité dans le coin, exacerbée par l’arrivée, à quelques centaines de mètres de là, rue des Archives (au 79), de la Fondation Henri Cartier-Bresson qui déménage cette année. François Hébel, son nouveau président, nous a confirmé que nous retrouverons une programmation enrichie avec notamment des salles pour les images de Henri Cartier-Bresson et Martine Franck, les expositions de leurs contemporains, et un espace jeunes talents au sous-sol.
Je voulais aussi parler de la programmation exceptionnelle du musée de la Chasse et de la Nature, également situé rue des Archives (au 62), qui met régulièrement la photographie à l’honneur. Il faut ajouter à cela les très nombreuses galeries, le musée Carnavalet, les centres culturels étrangers, le Cabinet de la photographie du centre Pompidou et des lieux d’expositions photo plus ou moins réguliers comme le Carreau du Temple, le musée des Arts et Métiers ou le musée Picasso… Et vous obtenez le tissu culturel photo le plus dense au monde. Mais Facebook m’a fait changer d’avis sur le thème de cette chronique.
En effet, pendant les dix jours qui ont précédé Noël, une publicité s’est affichée avec insistance dans mon fil d’actu. Il s’agit de la masterclass d’Annie Leibovitz. Le message m’a interpellé. Annie me propose de m’enseigner comment réaliser des « powerful images ».
En allant plus loin, je découvre que cette masterclass est uniquement en ligne au prix modique de 75 euros pour 14 vidéos. Et là, je me dis qu’Annie Leibovitz aura quand même tout tenté dans sa vie. Car quand on voit les previews de ces vidéos, on retrouve globalement trois situations : Annie Leibovitz qui parle de sa carrière (ce que l’on a déjà à foison sur Internet) ; Annie Leibovitz qui est en train de shooter, en compagnie de quatre à sept assistants, avec un moyen format et des tonnes d’accessoires (bien sûr des conditions que n’importe quel amateur lambda pourra facilement réunir) ; ou Annie Leibovitz, assise sur une chaise, qui montre avec une baguette télescopique sur l’écran ce qu’elle attend de son retoucheur (une méthode de travail d’avenir). Globalement, Annie Leibovitz vend Annie Leibovitz et ne vous aidera en rien à progresser dans votre pratique photographique. Son travail est majoritairement basé sur une vision très esthétisante des personnalités dont elle réalise les portraits, et son style de reportage des années Rolling Stones n’est plus sa priorité. Elle ne sera d’aucune utilité pour vous aider à convaincre un président des États-Unis ou une actrice hollywoodienne à poser pour vous, les stars étant son vrai fonds de commerce, qu’elle ne compte pas partager. Donc, oui, je dois le reconnaître, je suis assez en colère contre ce procédé qui vient concurrencer de vrais stages ou actions visant à valoriser la pratique photographique. Souscrire à cette initiative serait un renoncement moral à toute visée éthique et réaliste de la photo. Rien de personnel Annie, mais il fallait bien le dire.