78 fragments d’histoires

78 fragments d’histoires

Hommage au photographe japonais Issei Suda, l’ouvrage78, publié aux Éditions Chose Commune dévoile, en 78 images inédites, la poésie urbaine et décalée de l’artiste, décédé à 78 ans.

« Le 19 janvier 2019, j’écris pour la première fois au photographe japonais Issei Suda (…) J’espère une réponse sans réellement en attendre une. Le lendemain, il avait déjà répondu. Je l’ai senti curieux de l’intérêt d’une jeune maison d’édition française comme la nôtre. Un peu étonné aussi, il proposait une rencontre au Japon si l’occasion se présentait »,

raconte Cécile Poimboeuf-Koizumi, cofondatrice de Chose Commune. En prévision d’un voyage, prévu à l’automne, l’échange se poursuit par voie électronique. Une correspondance soudainement interrompue un mois plus tard, suite au décès de l’artiste. « Ayant à cœur de tenir la promesse de notre rendez-vous, j’ai repris contact avec son épouse, Yoshiko, qui nous accueillit chaleureusement dans leur domicile, en novembre », poursuit-elle.

Accompagnée du photographe Vasantha Yogananthan, cofondateur de la Maison d’édition, Cécile Poimboeuf-Koizumi découvre, dans le foyer de l’artiste, un véritable trésor : tirages vintages, livres, archives de presse… et des boîtes entières d’images inédites qu’Issei Suda avait mis de côté avant sa disparition. « Nous avons fait notre sélection en une journée : 78 photographes, qui datent de 1971 à 1983, dont le lieu de prise de vue se situe principalement à Tokyo, et dans les préfectures avoisinantes », précise l’éditrice. Yoshiko leur apprend que son mari était un photographe prolifique, qui créait partout, tous les jours. Un auteur à l’œil aiguisé, qui savait capturer l’ordinaire avec une éloquence rare.

© SUDA ISSEI works / Chose Commune

Le sublime éphémère

« Ce n’était pas un photographe de l’exceptionnel »,

ajoute Cécile Poimboeuf-Koizumi. Il y a pourtant, dans les œuvres d’Issei Suda une poésie, un surréalisme qui transcendent le réel. Venu de Tokyo, l’artiste a commencé sa carrière en tant que photographe de plateau pour des troupes de théâtre. Une expérience qui modèle sa propre esthétique. Dans la rue – son décor de prédilection – les silhouettes sont révélées par la lumière crue du soleil. Au sein d’un monde sans couleur, les contrastes et les ombres jaillissantes dessinent, dans l’air, des figures et sculptent des émotions. Pourtant spontanées, les images sont composées avec soin, pour figer une certaine étrangeté, le sublime éphémère.

On découvre avec plaisir un certain humour, dans les créations d’Issei Suda, un désir de capturer la légèreté du quotidien. Un regard d’enfant, le dos courbé d’une vieille dame, des nuages duveteux qui survolent Tokyo, un couple de perroquets au plumage immaculé… Entre matière et sensations, le photographe saisit des fragments urbains, des écrins précieux abritant la beauté inattendue de l’ordinaire. Avec virtuosité, il retranscrit sa vision décalée du monde. Un portrait insolite et élégant de la capitale japonaise et ses alentours.

 

78, Éditions Chose Commune, 55 €, 128 pages

© SUDA ISSEI works / Chose Commune

© SUDA ISSEI works / Chose Commune© SUDA ISSEI works / Chose Commune

© SUDA ISSEI works / Chose Commune© SUDA ISSEI works / Chose Commune

© SUDA ISSEI works / Chose Commune

Explorez
La sélection Instagram #452 : la danse sous toutes ses formes
© Aleksander Varadian Johnsen / Instagram
La sélection Instagram #452 : la danse sous toutes ses formes
Cette semaine, les photographes de notre sélection Instagram capturent les corps – et même les éléments – qui dansent à en perdre...
30 avril 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #490 : Guillaume Nedellec et Simona Pampallona
© Guillaume Nedellec
Les coups de cœur #490 : Guillaume Nedellec et Simona Pampallona
Nos coups de cœur de la semaine, Guillaume Nedellec et Simona Pampallona, nous plongent tous·tes deux dans une esthétique en...
29 avril 2024   •  
Isabelle Vaillant : récits d’une construction intime
© Isabelle Vaillant
Isabelle Vaillant : récits d’une construction intime
Jusqu’au 19 mai 2024, la photographe Isabelle Vaillant investit L’Enfant Sauvage, à Bruxelles, en proposant une exposition rétrospective....
26 avril 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Elie Monferier : le filon au bout de l’échec
© Elie Monferier
Elie Monferier : le filon au bout de l’échec
Imaginé durant une résidence de territoire au cœur du Couserans, en Ariège, Journal des mines, autoédité par Elie Monferier, s’impose...
25 avril 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Focus #72 : Mohamed Bourouissa esquisse les lignes de force d’une révolte
05:07
© Fisheye Magazine
Focus #72 : Mohamed Bourouissa esquisse les lignes de force d’une révolte
C’est l’heure du rendez-vous Focus ! Ce mois-ci, et en l’honneur de Signal, sa rétrospective, accueillie jusqu’au 30 juin 2024 au Palais...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les émeutes visuelles de Paul Van Trigt
© Paul Van Trigt
Les émeutes visuelles de Paul Van Trigt
Impliqué dans la scène musicale expérimentale depuis de nombreuses années, aussi bien avec ses projets MOT et IDLER qu'avec ses travaux...
01 mai 2024   •  
Écrit par Milena Ill
XXH 15 ans questionne la société de l’excès
© Andres Serrano
XXH 15 ans questionne la société de l’excès
Jusqu’au 29 juin 2024, la Fondation Francès célèbre ses 15 ans à travers l’exposition XXH 15 ans - Temps 1. Par les œuvres des artistes...
01 mai 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Ultra-violence, bodybuilding et livre d’artiste : nos coups de cœur photo du mois
© Kristina Rozhkova
Ultra-violence, bodybuilding et livre d’artiste : nos coups de cœur photo du mois
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
30 avril 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas