À corps et à crocs

23 juin 2022   •  
Écrit par Lou Tsatsas
À corps et à crocs
© Devin Yalkin

Pour composer Until Dawn, le photographe Devin Yalkin s’est invité au cœur d’un bal vampirique organisé en plein New York. Une soirée où les membres d’un clan se retrouvent, pour festoyer et étancher leur soif… Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.

Tout a commencé lors d’une rencontre avec Father Sebastiaan, créateur de canines vampiriques, et impresario des Sabretooth, un clan de vampires fondé il y a plus de vingt ans, aujourd’hui implanté partout dans le monde. Dans le cadre d’une commande pour le New York Times, le photographe américain Devin Yalkin avait découvert le personnage et son art, et avait obtenu une entrée exclusive pour un « Bal de vampires » qu’il organisait dans un club de la Grosse Pomme quelques jours plus tard. « Je me suis presque senti obligé de continuer à photographier cette sous-culture. Nous nous sommes très bien entendus, et j’ai eu l’impression qu’il me faisait confiance. Les portes se sont ouvertes devant moi, dans tous les sens du terme – j’ai pu capturer la fête, comme des rencontres plus intimes », confie l’auteur.

Crocs aiguisés, corsets victoriens, porte-jarretelles, tenues en cuir… Entre burlesque libertin et inspiration néogothique, la soirée bat son plein. Dans les images en noir et blanc de l’artiste, les corps se dénudent, se rapprochent et se goûtent dans une sensualité propre au vampirisme. Fascinés par les codes littéraires et cinématographiques perpétués par le genre, les invités de Father Sebastiaan laissent libre cours à leurs désirs, et jouent de leur magnétisme. « C’est une sorte de cérémonie, de grand spectacle, qui contraste avec notre quotidien. L’atmosphère est très sexuelle, les gens sont ouverts, confiants. Tous suivent une idéologie particulière qui englobe la spiritualité, la magie et la magie noire », raconte Devin Yalkin. Et, selon les codes du clan, ce qui se passe entre vampires reste entre vampires. Un contrat occulte permettant aux Sabretooth de goûter aux différents plaisirs que la nuit leur offre. 

© Devin Yalkin

Des dents acérées qui mordent une lèvre, une embrassade volée à la pénombre des lieux, des cordes ceinturant une bouche, ou des cuisses mises à nu dans un shibari érotique, des masques vénitiens assurant l’anonymat, une curieuse cérémonie où figures religieuses et païennes fusionnent… Au bal des vampires, le réel cesse d’exister. Partout, les costumes, les maquillages, les mises en scène trompent les sens, et théâtralisent l’instant. Une vibration singulière que Devin Yalkin parvient à saisir à coups de flashs, de contrastes brusques, et de flous caressants. « Mon approche du voyeurisme est simple : je fais en sorte que ma présence soit remarquée, et je demande toujours si j’ai l’autorisation de photographier. Lorsque la réponse est positive, je m’en donne à cœur joie », précise-t-il. Un accord tacite entre l’artiste et ses sujets qui donne naissance à des moments d’une pureté poignante, un abandon hypnotique. Favorisant le monochrome, l’auteur efface volontairement les marqueurs d’espace et de temps pour laisser planer ces festivités dans une bulle singulière. Un monde à part où les interdits cessent d’exister, où les êtres qui l’habitent choisissent de laisser parler leur faim insatiable… et leur soif de rencontres. 

 

Cet article est à retrouver dans Fisheye #53, disponible ici

© Devin Yalkin© Devin Yalkin

© Devin Yalkin

© Devin Yalkin© Devin Yalkin

 

© Devin Yalkin

 

© Devin Yalkin

© Devin Yalkin

© Devin Yalkin© Devin Yalkin

 

© Devin Yalkin

© Devin Yalkin

Explorez
 Folk, voyage dans l’Angleterre ré-enchantée : portrait nuancé du druidisme
© Theo McInnes
 Folk, voyage dans l’Angleterre ré-enchantée : portrait nuancé du druidisme
Avec leur livre Folk, voyage dans l’Angleterre réenchantée, le journaliste Thomas Andrei et le photographe Theo...
27 novembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Art et journalisme : comment les photographes de Fisheye relatent l’histoire
© Andrea Sena
Art et journalisme : comment les photographes de Fisheye relatent l’histoire
Enjeux sociétaux, crise environnementale, représentation du genre… Les photographes publié·es sur Fisheye ne cessent de raconter, par le...
27 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Kathryn McCool raconte la Nouvelle-Zélande des années 1980
© Kathryn McCool
Kathryn McCool raconte la Nouvelle-Zélande des années 1980
Jusqu’au 14 décembre, le Centre for Contemporary Photography de Collingwood présente P.NORTH une exposition de Kathryn McCool, faisant...
25 novembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
© Austn Fischer
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
Installé à Londres, Austn Fischer puise dans les ressorts de la communauté LGBTQIA+ pour interroger les notions traditionnelles de genre....
21 novembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Father : Diana Markosian fige ses retrouvailles avec un père dont elle a été séparée
Extrait de Father (Atelier EXB Paris, 2024) © Diana Markosian
Father : Diana Markosian fige ses retrouvailles avec un père dont elle a été séparée
Dans Father, Diana Markosian prolonge le récit intime qu’elle avait entamé avec Santa Barbara, qui revenait alors sur son départ...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Copyright Swap : Tamara Janes, sans feu ni droit
© Tamara Janes
Copyright Swap : Tamara Janes, sans feu ni droit
Sous le charme de la collection d’images de la New York Public Library, Tamara Janes conçoit Copyright Swap comme une manière de rendre...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Lou Tsatsas
 Folk, voyage dans l’Angleterre ré-enchantée : portrait nuancé du druidisme
© Theo McInnes
 Folk, voyage dans l’Angleterre ré-enchantée : portrait nuancé du druidisme
Avec leur livre Folk, voyage dans l’Angleterre réenchantée, le journaliste Thomas Andrei et le photographe Theo...
27 novembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Art et journalisme : comment les photographes de Fisheye relatent l’histoire
© Andrea Sena
Art et journalisme : comment les photographes de Fisheye relatent l’histoire
Enjeux sociétaux, crise environnementale, représentation du genre… Les photographes publié·es sur Fisheye ne cessent de raconter, par le...
27 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas