Achtung Kultur : une déclinaison de l’intime par la jeune création allemande

25 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Achtung Kultur : une déclinaison de l'intime par la jeune création allemande
© Anna Streidl
Bouquet de fleur au bord de la fenêtre d'une prison
© Florian Gatzweiler

Jusqu’au 17 mai 2025, l’association Achtung Kultur célèbre la création émergente au Consulat général d’Allemagne de Bordeaux. L’exposition 5 von 18 rassemble les travaux de fin d’études de jeunes photographes de la dernière promotion de l’Ostkreuzschule. Dans des approches variées, toutes et tous sondent le monde contemporain en s’intéressant à l’intime.

Cette année encore, en avril, Bordeaux se transforme en un vaste lieu d’exposition. Dans toute la ville, la photographie est célébrée par l’entremise d’accrochages en extérieur comme en intérieur. Parmi eux se comptent notamment 5 von 18, à découvrir au Consulat général d’Allemagne jusqu’au 17 mai prochain. L’association Achtung Kultur, qui s’attache à mettre en lumière la culture germanophone par le biais de diverses initiatives, a investi l’espace pour y présenter les séries de fins d’études de Vincent Wechselberger, d’Anna Streidl, d’Elliott Kreyenbeg, d’Hannah Pieper et de Florian Gatzweiler. Toutes et tous proviennent de la dernière promotion de l’école berlinoise Ostkreuzschule. Malgré des approches disparates, leurs projets offrent une déclinaison de sujets intimes allant de l’expression de la masculinité en prison aux multiples significations que peut avoir une chevelure.

Faire émerger d’autres récits

Dans un couloir du rez-de-chaussée, Vincent Wechselberger dévoile Ready, un projet sur les travailleurs et les travailleuses du sexe queers. Sur les cimaises, leur portrait se conjugue avec des natures mortes qui montrent les essentiels de leur sac à main. Dans ces mises en scène, les modèles attendent leur rendez-vous ou se préparent au son de leur musique préférée, donnant un aperçu de leur quotidien dans des mises en scène étudiées. « Cette série offre une fenêtre sur notre réalité : l’exaltation et la réalisation de soi, ainsi que les luttes et la stigmatisation dont nous faisons l’expérience, explique le photographe qui officie également dans ce milieu. Dans un monde où la sincérité et la franchise semblent insaisissables, ces récits offrent une authenticité brute qui cherche à établir une compréhension et une connexion, en remettant en question les perceptions et les stéréotypes dépassés. »

Pour Räume, die, exposé à quelques pas de là, Florian Gatzweiler s’est également immiscé dans un milieu fermé dont émanent de nombreuses représentations figées : celui des prisons. Au travers de compositions qu’il a réalisées en collaboration avec les détenus, l’artiste s’intéresse à la masculinité en interrogeant les comportements des individus au sein de ces structures. À l’image, ces derniers se font face, s’étreignent, apparaissent dans leur chambre. La reconstitution de ces séquences découle de leurs échanges. Sur certains tirages, un bouquet de fleurs habille le rebord d’une fenêtre quand, dans une salle, des photographies recouvrent un mur. Cette approche permet ainsi de faire émerger d’autres récits. Variation sur le même thème, Elliott Kreyenbeg, qui signe Something Missing, articule son projet autour de la pression et les dérives que peut susciter l’expression de la masculinité. 

Une travailleuse du sexe attend son prochain client
© Vincent Wechselberger
Des détenus sont réunis dans une salle
© Florian Gatzweiler
Un travailleur du sexe montre les essentiels de son sac à main
© Vincent Wechselberger
Portrait d'un jeune homme aux cheveux roux et bouclés
© Hannah Pieper

La beauté de la diversité

À l’étage, Anna Streidl témoigne de son hyperactivité avec Simultan. Les photographies, monochromes pour l’essentiel, recouvrent les murs. Toutes sont reliées par un fil rouge qui se perdrait presque dans cette profusion d’éléments. Cette dernière renvoie à la multitude de pensées qui traversent l’esprit de l’artiste, à son hyperstimulation quotidienne. Afin de donner un autre aspect du trouble de l’attention, au centre de la pièce se trouvent les boîtes des médicaments qui lui ont été prescrits. « En naviguant entre le chaos et la structure, [la série] analyse un processus de travail influencé par le trouble neurobiologique de manière autobiographique. Il vise à permettre au public de s’immerger dans la surcharge continue vécue par les patients souffrant de TDAH », explique-t-elle. L’installation, semblable à un journal intime, offre ainsi la possibilité à celui ou celle qui observe de mieux comprendre cette réalité. 

Enfin, dans un dernier espace, Hannah Pieper évoque le sens de la chevelure au moyen de portraits qui sont le fruit de rencontres, au hasard des rues. Comme le souligne l’autrice, les cheveux portent en eux les stéréotypes que véhiculent nos sociétés, mais s’imposent tout autant comme un moyen de s’affirmer. Ils ont également une mémoire, proviennent de nous, poussent en permanence. Tour à tour, des personnes rousses, chauves, arborant des coiffures tressées ou encore des boucles libres habillent les images. Les individus apparaissent tels qu’ils sont véritablement, l’air fier, mettant à mal les carcans esthétiques habituels. Cette démarche rappelle, finalement, toute la beauté de la diversité. 

Une main, tenant une cigarette, s'apprête à saisir un verre
© Anna Streidl
Portrait d'une jeune femme
© Hannah Pieper
À lire aussi
Fotohaus Bordeaux 2025 : des existences engagées
© Olivia Gay
Fotohaus Bordeaux 2025 : des existences engagées
La quatrième édition de Fotohaus Bordeaux a commencé. Jusqu’au 27 avril 2025, l’Hôtel de Ragueneau accueille l’événement qui, cette…
12 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Circulation(s) : le festival de la photo émergente de retour en 2025
© Isabella Madrid
Circulation(s) : le festival de la photo émergente de retour en 2025
Circulation(s) est de retour en 2025 avec une sélection de 23 artistes représentant la richesse de la photo émergente. Cette année, le…
24 janvier 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Explorez
Rachel Seidu : être queer à Lille et à Lagos, une fierté émancipatrice
Peas in a Pod II, Emma et Maë, Lille, 2025. © Rachel Seidu
Rachel Seidu : être queer à Lille et à Lagos, une fierté émancipatrice
Dans le cadre du programme hors les murs de l’Institut pour la photographie de Lille, l’artiste nigériane Rachel Seidu expose Peas in a...
17 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Planches Contact change de cap
© Lin Zhipeng (alias n°223), Ce qui s’insinue dans les silences, Planches Contact Festival.
Planches Contact change de cap
Du 18 octobre 2025 au 4 janvier 2026, Planches Contact Festival revient à Deauville pour sa 16e édition. Ces derniers mois, les...
16 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Coups de cœur #562 : Cloé Leservoisier et Geekandstar
Série Where free people meet © Cloé Leservoisier
Coups de cœur #562 : Cloé Leservoisier et Geekandstar
Cloé Leservoisier et Patrick, alias Geekandstar, nos coups de cœur de la semaine, jouent avec les couleurs pour altérer – ou...
13 octobre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Flore Prébay : De deuil et de papier
Iceberg, de la série Deuil blanc © Flore Prébay
Flore Prébay : De deuil et de papier
Du 16 octobre au 30 novembre 2025, la Fisheye Gallery présente Deuil blanc, de Flore Prébay, dans le cadre des Rencontres photographiques...
09 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Rachel Seidu : être queer à Lille et à Lagos, une fierté émancipatrice
Peas in a Pod II, Emma et Maë, Lille, 2025. © Rachel Seidu
Rachel Seidu : être queer à Lille et à Lagos, une fierté émancipatrice
Dans le cadre du programme hors les murs de l’Institut pour la photographie de Lille, l’artiste nigériane Rachel Seidu expose Peas in a...
17 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Goliarda Sapienza regardée par Francesca Todde
Francesca Todde, IUZZA. Goliarda Sapienza, Fiordo di Furore (SA), house built into the cliff rock, 2024
Goliarda Sapienza regardée par Francesca Todde
Avec IUZZA. Goliarda Sapienza, Francesca Todde propose un livre qui explore l’imaginaire de l’autrice sicilienne, sans chercher à...
17 octobre 2025   •  
Écrit par Milena III
Festival InCadaqués : les coups de cœur de la rédaction
Hail Mary, bobbin lace, serpent’s thread © Emilia Martin, Special Mention InCadaqués Festival Open Call 2025
Festival InCadaqués : les coups de cœur de la rédaction
La rédaction de Fisheye a déambulé dans les rues idylliques du village de Cadaqués, en Espagne, à l'occasion du Festival Photo...
16 octobre 2025   •  
Planches Contact change de cap
© Lin Zhipeng (alias n°223), Ce qui s’insinue dans les silences, Planches Contact Festival.
Planches Contact change de cap
Du 18 octobre 2025 au 4 janvier 2026, Planches Contact Festival revient à Deauville pour sa 16e édition. Ces derniers mois, les...
16 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet