Fisheye Magazine s’est associé à Adobe afin d’interroger les pratiques photographiques à travers la thématique « expression disruptive ». Pour Boby, 28 ans, disruption et esthétisme vont de pair. Focus.
« Belle et drôle. » Telle est la définition de la bonne photo selon Boris Allin, alias Boby. Ce photographe français partage son temps entre reportages pour Libération, portraits et photos de concerts. Habitué des manifestations, il cherche à documenter les à-côtés avec esthétisme. Un exercice qu’il pratique depuis les premiers rassemblements parisiens des gilets jaunes et, avant, lors du mouvement Nuit debout. Un détail humoristique, une scène aussi chaotique que magnifique… les images de Boby offrent toujours plusieurs niveaux de lecture. En témoigne son cliché réalisé au sein de l’arc de triomphe de l’Étoile. « Samedi 1er décembre, en fin d’après-midi, j’emprunte l’escalier en colimaçon dans l’arc de triomphe. Très rapidement, j’aperçois une statue borgne, se souvient-il. J’aime beaucoup cette image, car elle mêle violence et tendresse. À l’heure actuelle, plusieurs manifestants ont perdu un œil à cause d’un lanceur de balle de défense (LBD). Je dirais rétrospectivement : œil pour œil, dent pour dent. » Un cliché très représentatif de sa conception de la photo de manifestation. L’exercice devient plus difficile quand il est amené à couvrir des rassemblements soporifiques et verrouillés.
Critiquer les puissants
« Le problème avec la politique ? Les communicants veulent tout contrôler. Une image un peu drôle, qui se moque d’un candidat par exemple, est un moyen de contourner les normes. Lors de la dernière campagne présidentielle de 2017, j’ai fait une photo de François Fillon avec deux ombres sur le visage, comme s’il s’agissait de barreaux de prison.»
Selon le photographe, il est nécessaire de faire des images qui critiquent les puissants et qui poussent le spectateur à se questionner. « Je ne veux pas signer des images lisses, purement informatives. Finalement, c’est assez simple de capturer la beauté d’une voiture en feu. À Libé, l’image se doit d’être irrévérencieuse, originale et, d’une façon ou d’une autre, engagée », conclut-il. En cherchant l’originalité et l’insolite, Boby fait de la photographie un acte militant.
© Boby