Du 9 avril au 24 août 2025, le musée Carnavalet met à l’honneur Agnès Varda à travers l’exposition Le Paris d’Agnès Varda, de-ci, de-là. Cette première rétrospective monographique consacrée à son travail photographique dévoilera un Paris vibrant et singulier, sous le prisme de cette artiste libre, curieuse et profondément indépendante.
Au cœur du 14e arrondissement de Paris, c’est rue Daguerre, dans les locaux de Ciné-Tamaris, à quelques pas de l’emblématique maison-atelier où Agnès Varda s’est installée en 1951, que nous rencontrons sa fille, Rosalie Varda, et Anne de Mondenard, commissaire scientifique de la prochaine exposition consacrée à l’artiste pluridisciplinaire. Pour la première fois, ce sont les œuvres photographiques de la cinéaste qui seront mises en lumière. De son vivant, Agnès Varda n’a jamais véritablement géré son fonds photographique, se contentant de classer ses tirages par thématiques dans des boîtes Kodak jaune vif, qui tapissent encore les murs de Ciné-Tamaris, la société de production qu’elle avait fondée en 1954. Ionesco, TNP, Cuba, chats et Sète sont autant de thématiques que nous pouvons lire, entre autres, sur la tranche de certaines boîtes et qui reflètent la vie de la cinéaste. « À son décès, avec mon frère Mathieu, nous avons décidé de prendre en main ses archives. Agnès gardait tout, c’est une chance pour nous. J’ai vu ces boîtes tout au long de mon enfance, il fallait bien en faire quelque chose. Ciné-Tamaris est là désormais pour aider celles et ceux qui souhaitent mettre en valeur ce fonds photographique », confie Rosalie Varda. S’ensuit rapidement un partenariat avec l’Institut pour la photographie de Lille qui permettra de réaliser un important inventaire : plus de 27 000 négatifs et 1437 planches-contact. Puis, après plusieurs échanges de contacts, le musée Carnavalet – Histoire de Paris s’intéresse de près à l’immensité de l’œuvre photographique d’Agnès Varda.
« Cette première exposition monographique d’Agnès Varda au musée interpelle notre capacité à apprendre par l’émotion. L’artiste permet une rencontre, directe et libérée de tout préjugé, avec Paris, ses paysages, ses lieux, ses choses, ses animaux et ses gens. On y rencontre, pêle-mêle, une cariatide, un escalier, des chats, un lion, des ailes d’ange, un clochard, une apprentie voyante, un poinçonneur de billets, un marchand de couleurs, un boucher, un droguiste-parfumeur-mercier, une mangeuse de fleurs, un clown acrobate… » C’est ainsi que Valérie Guillaume, directrice du musée Carnavalet, introduit Le Paris d’Agnès Varda, de-ci, de-là, cette exposition inédite qui célèbre le regard de la photographe sur la capitale. À travers 130 tirages, des extraits de films et des documents personnels, cette rétrospective retrace l’empreinte de Paris dans l’œuvre foisonnante et singulière d’Agnès Varda. Le parcours s’articulera en trois parties : la première, consacrée aux années 1950, met en lumière son travail de photographe au théâtre et dans son studio ; la deuxième explore les années 1960, marquant un tournant avec le cinéma ; enfin, la dernière section présente des portraits d’elle réalisés par d’autres personnes. Trois périodes emblématiques qui racontent, chacune à leur manière, l’histoire de l’atelier-cour de la rue Daguerre.
Une ville réinventée
Dès les années 1950, Agnès Varda arpente les rues de Paris avec son appareil photo, captant l’insolite et le poétique dans les détails du quotidien. Inspirée par le surréalisme, elle installe ses modèles devant des murs décrépis, traque les ombres et joue avec les contrastes. Elle n’embellit pas la ville, elle la donne à voir autrement, avec une pointe d’humour et un sens du décalage qui deviendront sa marque de fabrique. Anne de Mondenard souligne : « Contrairement aux photographes masculins contemporains qui proposaient une image apaisée de Paris, Agnès Varda en révèle les aspérités, les recoins inattendus, et parfois une certaine noirceur. » L’exposition dévoilera les multiples facettes de cette exploration. Du quartier de la rue Daguerre, où elle installe sa cour-atelier, aux commandes de portraits et reportages traités avec originalité, en passant par les films où Paris devient un personnage à part entière, comme Cléo de 5 à 7, Agnès Varda construit un dialogue intime et critique avec la capitale.
« J’ai eu beaucoup de chance pendant deux ans à venir ici pour ouvrir toutes les boîtes que je voulais. Au-delà des tirages, j’ai pu consulter tous les agendas d’Agnès pour m’aider à dater certains clichés », témoigne la commissaire. Loin d’un simple hommage, l’exposition met également en avant la modernité d’Agnès Varda, son indépendance farouche et son regard résolument féministe. Rosalie Varda, sa fille, rappelle : « Agnès est une référence pour la nouvelle génération. Elle est importante non seulement pour son œuvre, mais aussi pour son discours, sa liberté de ton. » Refusant de se conformer aux normes du milieu, elle a toujours suivi son propre chemin, se produisant et menant son combat pour les droits des femmes avec une détermination inébranlable. À travers Le Paris d’Agnès Varda, de-ci, de-là, le musée Carnavalet offre une immersion sensible dans l’univers de cette artiste marquante à bien des égards. Une invitation à redécouvrir Paris sous un prisme touchant, teinté d’humanité, de malice et d’une curiosité insatiable.