Dans Äimärautio, Kati Leinonen raconte l’histoire du lieu du même nom, situé dans sa ville natale, en Finlande, qui est consacré aux sports équestres. Au fil des photographies se découvre le quotidien des personnes qui le font vivre.
En Finlande, les cavalières et cavaliers le savent déjà. Äimärautio est la plus ancienne piste de trot du pays à demeurer sur son site d’origine. En un siècle d’existence, celle-ci a beaucoup évolué. Entre autres choses, la zone qui l’entoure s’est enrichie d’écuries, d’une clinique vétérinaire, de manèges et même d’un centre voué à démocratiser cette discipline. Kati Leinonen connaît bien ces lieux qui ont accueilli les premières leçons qu’elle a suivies, à l’âge de 7 ans, et où vit aujourd’hui son cheval. « À l’époque, il n’y avait que l’écurie de l’école d’équitation au milieu de la piste », se souvient-elle. Formée à la photographie et à l’audiovisuel au London College of Printing puis à l’université de Laponie, l’artiste souhaitait rendre hommage à la communauté qui anime cet endroit au quotidien. « Je trouve fascinant que des personnes issues de milieux sociaux et idéologiques si différents soient rassemblées et unies grâce aux chevaux », confie-t-elle.
Sobrement nommée Äimärautio et entamée dès 2016, la série s’articule autour des émotions et des histoires banales qui surviennent au sein du milieu équestre et le transcendent même. « Ce projet s’adresse à celles et ceux qui s’intéressent aux petites histoires humaines », souligne ainsi Kati Leinonen. Comme pour tout être cher, la joie de côtoyer ces animaux se conjugue à la crainte et la tristesse de les voir tomber malade ou de les perdre. L’excitation et la déception des jours de compétition se lisent également dans les images. « Je réfléchis au dévouement et à l’engagement total des gens pour leurs chevaux. Ils ont tendance à leur consacrer tout leur temps libre et à faire des sacrifices pour d’autres aspects de leur vie, remarque la photographe. Je comprends parfaitement l’intérêt de se lever à 6 heures du matin pour aller travailler à l’écurie, même s’il fait -30°C à l’extérieur, qu’il fait nuit noire et qu’il y a du verglas en hiver. Mais il faut vraiment aimer ce mode de vie pour ne pas s’en lasser. »
Faire partie d’une communauté
Pour rendre compte de cette réalité, Kati Leinonen a conçu Äimärautio à partir de trois types d’images : des paysages, des portraits et des cadrages serrés sur les chevaux. Tantôt dans des nuances froides, tantôt dans des nuances vives, l’ensemble propose des fragments de vie, saison après saison. Une fresque se dessine et traduit le temps long, suggère un cycle qui se répète inlassablement. Hannamari Shakya, éditrice de Raw View Editions, a accompagné l’artiste lors des ateliers qu’elle organisait alors. « J’ai bénéficié d’un soutien et de discussions critiques autour du travail qui m’ont aidée dans le processus. J’ai fini par publier la série sous la forme d’un livre et j’ai réalisé une exposition au musée d’art d’Oulu et, en partie, au musée finlandais de la photographie. Il était intéressant d’aboutir simultanément à deux résultats différents à partir du même matériel », déclare notre interlocutrice.
En contrepoint, cette démarche documentaire qu’elle affectionne tout particulièrement l’a encouragée à surmonter sa timidité pour aller au-devant des membres de ce vaste centre équestre, qu’elle n’osait aborder jusque-là. « Au cours de ce projet, j’ai réalisé des portraits de personnes directement après leur sortie de la piste de compétition ou après d’autres charges émotionnelles lourdes », explique-t-elle. Afin d’asseoir sa légitimé, Kati Leinonen a également eu recours à l’autoportrait. L’un de ceux qu’elle a composés figure d’ailleurs sur la couverture de l’ouvrage. « J’ai appris à me connaître en tant que photographe et j’ai compris l’importance d’être présente dans la communauté, de faire partie du phénomène que je dépeins. Le lien personnel est un élément essentiel de mon processus créatif. J’ai l’impression que la photographie me relie aux gens et me connecte au monde, un peu comme les chevaux nous ancre dans la réalité et le moment présent », conclut-elle.