Dans To Name a Mountain, le photographe espagnol Alfonso Almendros cherche à mêler l’amour et la montagne, dans un conte doublement métaphorique. Inspiré par les grands romantiques américains du XVIIIe siècle, il invoque la magie de ces lieux sacrés. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
Nommer une montagne, n’est-ce pas un acte hautement poétique ? Au printemps 1863, le peintre Albert Bierstadt et son ami écrivain Fitz Hugh Ludlow entamaient une ascension dans les Rocheuses, en Amérique du Nord. L’histoire raconte que le peintre, subjugué par la vue de la montagne, en a aussitôt réalisé un croquis qu’il a intitulé Une tempête dans les montagnes Rocheuses, Mont Rosalie, en hommage à la femme de son compagnon de voyage dont il était secrètement amoureux. « Dans cette œuvre, Bierstadt évoquait le désir, mais à travers l’excès et la violation d’une réalité suggestive, car fantasmée », détaille Alfonso Almendros, photographe et conférencier espagnol, installé à Madrid. « J’ai toujours été fasciné par l’alpinisme et par certaines explorations menées au cours des XVIIIe et XIXe siècles. Parmi elles, les voyages d’Alexander von Humboldt en Amérique du Sud, les premières ascensions dans les Alpes ou encore les tentatives rêveuses – et souvent insensées – pour atteindre le pôle Nord. Il fut une époque où les frontières et les distances naturelles constituaient un obstacle important à la mobilité, et les visions de ces lieux ont inspiré de nombreux artistes », ajoute-t-il.
Une double métaphore
Celui qui se décrit comme un photographe essayant « de parler de lui-même à travers des symboles » a trouvé dans ce récit d’aventures un écho qui résonne avec son vécu. Sombre histoire d’amour ou portrait d’une montagne violente et imprévisible ? Son projet To Name a Mountain (« Nommer une montagne ») se lit comme une double métaphore. « J’essaie de confronter l’idéalisation de l’amour et de la montagne. Et je perçois la beauté et la peur comme des concepts comparables à l’amour, analyse Alfonso Almendros. Jusqu’à récemment, la montagne était considérée comme un lieu dangereux que les humains avaient pour habitude d’éviter. Pendant longtemps, elle était liée aux notions de foi, de croyance, de peur et de punition. Pour son caractère sacré, la montagne a d’ailleurs hébergé des dieux ayant un rôle important dans leur religion : le mont Olympe, le mont Fuji, le mont Sinaï, ou encore le mont Ararat… » Danger, terreur, mais sentiment du sublime aussi. En témoignent les théories de Kant ou de Burke, élaborées au XVIIIe siècle. À qui donc le photographe a-t-il pensé en composant cette série ? Il gardera le secret, même si on peut relever quelques indices dans le livre du même nom publié aux éditions Witty Books, pour l’instant épuisé. L’auteur démontre ici qu’il n’est pas nécessaire de nommer un sommet pour honorer le souvenir d’un être cher. Créer des images devient un acte d’amour. To Name a Mountain fera le bonheur des romantiques et des aventuriers.
Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #46, en kiosque et disponible ici.
To Name a Mountain © Alfonso Almendros