L’artiste brésilienne Alice Quaresma marie photographie personnelle et peinture abstraite pour un voyage poétique. Son œuvre contemplative, qui appartient au champ de l’imaginaire, révèle une grande sensibilité au changement.
À première vue, les images de Alice Quaresma ont des allures de cartes postales d’une autre époque. Et en effet, ses collages et ensemble mêlant peinture et photo ont quelque chose de familier. Un effet sans doute recherché, puisque l’artiste explore en particulier l’idée de recherche d’un sentiment d’appartenance. Inspirée par la scène artistique brésilienne des années 1960 et le mouvement pictural « néo-concret », qui se caractérisait par l’emploi de formes abstraites et de couleurs subjectives, Alice Quaresma veut créer, dans une même logique, un art qui permet à la subjectivité et au symbolisme de s’épanouir.
Au cœur de ses photographies, une nature exceptionnelle se déploie, celle du Brésil, et en particulier de Rio de Janeiro, où elle est née. Fluides et organiques, ses utopies visuelles explorent de façon novatrice une forme de symbolique des éléments du vivant. Cette fluidité que l’on ressent vient du fait qu’elle considère la peinture et la photographie comme un seul médium, bien qu’elle ait exploré à ses débuts ces deux mondes séparément – car l’artiste vient des beaux-arts. Dans sa pratique, la peinture semble souligner les éléments photographiques, en révéler certains, ou parfois en cacher. Il y a, à la fois, quelque chose de naïf, d’enfantin, de réflexif dans son œuvre. Le support visuel est désacralisé pour être magnifié par la couche picturale : c’est dans ce paradoxe que se construit tout son travail. Il se forme dans le contraste que l’on perçoit, tant dans la texture que les couleurs, entre les formes géométriques du tracé humain et l’espace sauvage et libre. Car dans l’humain comme dans la nature, il y a des éléments symétriques et des imperfections.
Le temps de grandir
Alice Quaresma est fascinée par le passage du temps, et surtout, le changement de perspectives qu’il offre. Certaines œuvres superposent ainsi des images d’un même lieu, capturées dans des moments de sa vie très différents. La thématique de l’(im)migration la marque, jusque dans son corps, puisque née au Brésil, cette artiste visuelle vit aujourd’hui à Londres, après avoir grandi entre New York et la capitale britannique. Au fur et à mesure qu’elle grandit et se déplace, son travail tisse un lien entre les mondes qu’elle a traversés, naturels et humains. Alice Quaresma nous raconte sa propre maturation, en même temps que celle de son approche artistique : « Au début, la photographie était pour moi une question de passé et de précision, d’apprentissage par l’observation avant de prendre une photo et après l’avoir imprimée. Aujourd’hui, le médium convoque l’expérimentation et les découvertes, le présent et l’avenir, en déconstruisant une scène du passé et en la transformant en un paysage nouveau », explique-t-elle. Son œuvre intitulée Remain Open, par exemple, stimule l’idée de regarder des lieux familiers avec une perspective différente, parce que notre relation avec ceux-ci change au fil du temps.
Elle a à son actif un certain nombre de prix, et de programmes de résidence, dont le célèbre Foam Talent Prize à Amsterdam, ou d’invitations à des projets spéciaux, comme la participation au salon Approche. L’œuvre de l’artiste brésilienne, bien que contemplative, invite aussi à regarder l’image au-delà de sa dimension visuelle. Elle confie l’influence décisive qu’ont eues les deux artistes à l’œuvre monumentale que sont Uta Barth et Diane Arbus : « En étudiant les œuvres de cette dernière, j’ai appris ce qu’est la conscience et le pouvoir du subconscient du photographe, au moment où iel appuie sur le déclencheur de l’appareil photo, déclare-t-elle. Diane Arbus nous a montré·es l’importance d’être présent·es, de créer des images qui semblent brutes mais qui vont au-delà de toute représentation visuelle dans la photographie. Uta Barth, quant à elle, apporte la subtilité et le pouvoir du regard. À partir d’un élément simple, la lumière, elle explore l’idée de l’espace et de la perception en créant des moments de vide visuel. Ses images ressemblent à des dessins. Le vide dans la photographie nous permet de refléter notre présence dans son travail. » Dans les œuvres de notre artiste, les spectateurices ont elleux aussi, de toute évidence, un rôle essentiel à jouer, puisque c’est leur imaginaire qui leur permet d’être happé·es tous·tes entièr·es en leur sein.