À l’occasion des Rencontres de la photographie d’Arles 2025, la Galerie Triangle revient avec GÉNÉRATION, un événement dense et engagé autour de la jeunesse. Entre une exposition percutante de Nicolas Serve, des ateliers intimes et la création d’un prix étudiant, la galerie indépendante transforme son espace en laboratoire d’images, de récits et de résistances.
Il y a des lieux où la photographie ne se contente pas d’être regardée. Elle se vit, se débat, se raconte, se confronte. Cet été, à Arles, la Galerie Triangle prend une nouvelle fois ses quartiers au 65, quai de la Roquette avec une programmation coup de poing intitulée GÉNÉRATION. Une semaine dense, collective et engagée, où la jeunesse n’est pas réduite à un slogan, mais abordée dans toute sa complexité : fragile, furieuse, inventive. Au cœur de cette proposition, l’exposition Faux départ du photographe Nicolas Serve, qui tire le portrait d’une jeunesse festive, en prise avec les addictions et la construction de soi. À travers projections, workshops, discussions et soirées, la Galerie Triangle tisse une véritable plateforme d’expérimentations photographiques. Parmi les temps forts se comptent la projection des films des photographes de la galerie, une émission radio en direct sur la jeunesse et les liens familiaux, la présentation du livre Être 20 ans par le collectif Divergence ou encore une soirée avec le collectif SOLAR.
Côté transmission, trois ateliers sont proposés, chacun pensé comme un espace d’échange intense et intime. Julien Magre interroge le lien entre écriture et photographie, Orianne Ciantar Olive travaille la libération des formes, tandis que Nicolas Serve propose une immersion dans les mécaniques de production et d’obtention de résidences. Avec seulement quatre participant·es par session, l’approche se veut humaine et rigoureuse. Enfin, cette édition 2025 marque la création du prix Triangle LNP du film photo étudiant, en partenariat avec Les Nuits Photo, Eyes In Progress et Sunbath Film. Un geste fort pour mettre en lumière les formes hybrides et les nouvelles voix de l’image. Égalitaire, féministe, équitable – comme elle l’affiche sans détour –, la Galerie Triangle défend ses artistes avec exigence en essayant d’éviter les compromis et les filtres. « La jeunesse est la liberté de se créer comme on le souhaite », écrit sa directrice Nadège Tixier-Lamaison.
Nicolas Serve : une matière photographique crue et poétique
Nicolas Serve est un photographe français né en 1990, reconnu pour ses travaux documentaires engagés sur des sujets sociaux et environnementaux. Cofondateur du média Disclose, il a également enrichi ses projets de captations sonores et vidéo. Sa série Éthanol témoigne d’une expérience personnelle marquante : confronté à une addiction à l’alcool, il entre en cure en janvier 2019. Armé de son appareil photo argentique, il documente son quotidien en noir et blanc, transformant ainsi sa pratique en un outil de catharsis. Ses images, entre abstraction et réalité, offrent une introspection poignante sur la quête de guérison. Cette œuvre a été exposée à la Galerie Triangle lors du festival Circulation(s) en 2023, où l’une de ses photographies, « Submergé », a été choisie comme emblème de l’événement.
Faux départ, présenté aux Rencontres d’Arles 2025, bouleverse par sa frontalité. Le texte d’introduction est sans détour : « À quatorze ans, un psychiatre peu consciencieux lui a prescrit du Lexomil. » À travers cette nouvelle série d’images marquées par l’intime, l’artiste remonte le fil d’une adolescence anesthésiée, marquée par l’effet des benzodiazépines. Dix-sept années à tenter d’exister sous sédation. Nicolas Serve fait de sa propre histoire une matière photographique crue et poétique. C’est souvent dans des lieux de fête que ces images floues sont capturées, des instants joyeux, mettant en relief une attention envers la jeunesse et ses formes d’expression. Il ne s’agit pas de dénoncer seulement, mais de rendre visible l’invisible : celui des parcours fauchés par des prescriptions trop faciles et la stigmatisation de l’addiction. Faux départ s’inscrit dans la continuité d’Éthanol. Ici, le regard se politise davantage. « En 2023, 9 millions de Français se sont vu prescrire des benzodiazépines, et 40 % au-delà des durées recommandées », lit-on encore dans l’espace d’exposition. Ces chiffres claquent comme des coups de flash. Ce que la photographie révèle ici, c’est un malaise systémique : l’effacement médicalisé des troubles adolescents par la psychiatrie.