Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité de la semaine. Le photographe français Frédéric Grimaud s’est tourné vers l’autoportrait pour illustrer les multiples conséquences du confinement.
« J’ai commencé la première journée de confinement avec un terrible mal de ventre qui m’a laissé allongé, sans trouver de position me soulageant. Les jours suivants, la douleur s’est estompée, mais une grosse migraine venait le soir me chatouiller le cerveau – c’est ainsi que j’ai commencé cette quarantaine : étendu dans le noir »
, raconte Frédéric Grimaud. Né en 1975, il pratique la photographie d’auteur et le reportage depuis plus de vingt ans, et capture « l’humain, ses peurs, ses angoisses et son bonheur ». « J’aime rendre l’autre beau, le mettre en valeur, j’ai une approche sociale, documentaire, mais aussi plus abstraite », précise-t-il.
Débutée durant le confinement, la série Autoportraits au masque s’inspire de notre quotidien anxiogène. C’est en parcourant les articles de presse dédiés aux masques que le photographe a imaginé cette série aussi absurde que complexe. Animé par une volonté de faire dialoguer des thèmes récurrents de son œuvre – la matière et le recyclage – à l’autoportrait, il découvre dans son garage une caverne d’Ali Baba, débordant d’incroyables accessoires. « C’est un autre genre de cabinet de curiosité, à ma manière », poursuit-il.
Trouver l’équilibre
Comme un écho à sa première réaction face au confinement, Frédéric Grimaud débute sa série étendu sur le sol. Une manière de faire tenir sur lui les différents objets sans avoir recours au montage numérique. « Cette position souligne également notre impuissance, et le fait qu’il faudra se relever coûte que coûte », ajoute-t-il. Si les premières ébauches de la série ne se veulent pas humoristiques, les réactions du public poussent l’artiste à aller plus loin. Médicaments, papiers toilette, vinyles, livres ou encore roues de vélo tiennent en équilibre sur son visage, et évoquent l’absurdité de notre quotidien. « Je voulais également montrer différentes émotions, des expressions théâtrales, qui cognent parfois. Pour obtenir certains rendus, j’ai retenu ma respiration, ou choisi un objet lourd qui me faisait mal. Trouver l’équilibre a également contribué aux différents visages – comme j’aimerais que le monde, lui aussi, le retrouve », confie-t-il.
Loin de prendre sa série à la légère, l’auteur trouve une signification à chaque scène. Les objets trouvés deviennent alors des allégories de la pénurie, la vulnérabilité, les gestes barrière, la peur, la colère, la nécessité de se nourrir, la recherche scientifique ou encore le virus lui-même. Une mosaïque d’émotions fortes, jaillissant de notre actualité. À la manière d’un acteur, Frédéric Grimaud se met en scène pour illustrer notre incompréhension, notre frustration face à un monde qui manque de sens. « Je me suis rendu compte que les gens avaient besoin que l’on parle du confinement avec une certaine distance », déclare-t-il. Un travail aux multiples ramifications.
© Frédéric Grimaud