Au coin du feu

09 août 2018   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Au coin du feu

Marine Lanier présente, avec Nos feux nous appartiennent, un montage d’images réalisées sur une dizaine d’années. Dans chacune d’elle, le feu apparaît, un élément à la fois dangereux et rassurant. Un récit prenant où homme comme nature deviennent sauvages.

Originaire de Valence, Marine Lanier a grandi à la campagne, en observant le monde avec attention. « Je pouvais regarder pendant des heures des variations de lumières sur un mur, une auréole sur le plafond, un lichen. J’y voyais une carte, une île, une forêt… » se souvient-elle. Naturellement, elle se tourne vers la photographie pour sublimer ce que l’on ne voit pas. « J’entretiens un rapport à la cécité qui oscille entre l’ombre et l’éblouissement », précise l’artiste. « Mon désir d’être photographe s’enracine dans cette question-là ». Ses clichés, tantôt réfléchis, tantôt spontanés, l’aident à poser un regard sur son environnement. Un œil libre et instinctif, enrichi par l’usage de la chambre photographique.

Nos feux nous appartiennent se construit comme un panorama des créations de Marine. Un concentré de dix années de travail. « En regardant mes images, j’ai noté la présence du feu, de manière directe ou indirecte », explique-t-elle. L’élément domine les images, et joue un rôle à la fois complexe et ambigu. « C’est un élément catalyseur à forte charge symbolique, vu ici comme une figure de ralliement », précise la photographe. Qu’il flambe, crépite, ou disparaisse en laissant des traces de suie, le feu des clichés construit un univers sauvage, où hommes et nature cohabitent avec prudence.

© Marine Lanier

Appartenir au clan

« Je viens d’une famille de jardiniers, paysagistes, pépiniéristes, horticulteurs, fleuristes… Les hommes de ce clan organisent l’espace depuis cinq générations, cherchent à le maintenir, à le discipliner »

, raconte Marine. Nos feux nous appartiennent dresse le portrait d’un environnement brut, régi par les éléments. Si le feu se devine dans les déserts calcinés ou les serres brûlées, il s’enflamme aussi dans les regards des hommes photographiés par l’artiste. « Les éléments sont un prolongement de nous-mêmes, une projection de notre profondeur », explique la photographe. Ses modèles appartiennent à la nature. Imposants et masculins, ils évoquent la force implacable de leur environnement. Marine recherche le primitif dans les visages. Attentive, elle observe ces hommes et capture leur interaction – à la fois sensible et animal – avec le monde. Inspirés par son enfance passée « au milieu du vent, des arbres, des cabanes, des feux de mon père », les clichés de la photographe forment un portrait familial atypique, bercé par les cris des animaux, où les corps des hommes et la chaleur des flammes se rencontrent et fusionnent.

© Marine Lanier

© Marine Lanier

© Marine Lanier© Marine Lanier

© Marine Lanier© Marine Lanier

© Marine Lanier© Marine Lanier

© Marine Lanier© Marine Lanier

© Marine Lanier

Nos feux nous appartiennent, édition Poursuite, 28€, 80 p.

Explorez
Flowers Drink the River : nature et inclusivité, selon Pia-Paulina Guilmoth
© Pia-Paulina Guilmoth
Flowers Drink the River : nature et inclusivité, selon Pia-Paulina Guilmoth
En quête de beauté et de magie, Pia-Paulina Guilmoth photographie au cœur de la nuit sa famille choisie. Ses images, quasi hantées, nous...
04 octobre 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Le projet Sorbonne, une recherche visuelle et scientifique sans filtre
Evo-AquaSense © Grégoire Delanos
Le projet Sorbonne, une recherche visuelle et scientifique sans filtre
Sept photographes sélectionné·es dans le cadre du projet Sorbonne Université Arts Visuels et Expériences Scientifiques offrent un premier...
03 octobre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Gareth Phillips : la conquête de l’univers sera-t-elle une tragédie sans fin ?
© Gareth Phillips
Gareth Phillips : la conquête de l’univers sera-t-elle une tragédie sans fin ?
Avec le très surprenant Caligo (2023), Gareth Phillips s’attaque à une entreprise redoutable : envisager l’avenir de l’espèce humaine...
27 septembre 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Etienne Francey fait vibrer la nature en mutation à coup de vis
© Etienne Francey
Etienne Francey fait vibrer la nature en mutation à coup de vis
Du 20 septembre 2024 au 22 juin 2025, les images oniriques d’une nature en transformation du photographe suisse Etienne Francey entrent...
26 septembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Frédéric D. Oberland : la victoire de l'invisible
© Frédéric D. Oberland
Frédéric D. Oberland : la victoire de l’invisible
À la fois compositeur multi-instrumentiste et artiste visuel, Frédéric D. Oberland raconte des histoires de tourmente et de...
05 octobre 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Dans Fisheye, les photographes combattent hors front
© Orianne Ciantar Olive
Dans Fisheye, les photographes combattent hors front
Enjeux sociétaux, crise environnementale, représentation du genre… Les photographes publié·es sur Fisheye ne cessent de raconter, par le...
04 octobre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Flowers Drink the River : nature et inclusivité, selon Pia-Paulina Guilmoth
© Pia-Paulina Guilmoth
Flowers Drink the River : nature et inclusivité, selon Pia-Paulina Guilmoth
En quête de beauté et de magie, Pia-Paulina Guilmoth photographie au cœur de la nuit sa famille choisie. Ses images, quasi hantées, nous...
04 octobre 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Le fonds photographique de la Fnac retrace l’histoire du 8e art dans un beau-livre
Maison en feu dans un village, Presqu’île de Yamal, Sibérie Polaire, 1992 © Françoise Huguier / Agence VU’
Le fonds photographique de la Fnac retrace l’histoire du 8e art dans un beau-livre
À l’occasion de son 70e anniversaire, la Fnac publie un beau-livre aux éditions Gallimard. Celui-ci s’articule autour de son fonds...
03 octobre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet