Availu : naître folles et fous dans un monde totalement absurde

13 mai 2023   •  
Écrit par Milena Ill
Availu : naître folles et fous dans un monde totalement absurde

Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité. Tout droit sorties d’un cauchemar, les mises en scène surréalistes d’Availu nous projettent au cœur d’un monde déshumanisé et abêtissant – le nôtre.

Deux caméras de vidéosurveillance face à face qui se scrutent intensément, mues par un désir commun, des individus assis droits sur une chaise, et qui semblent avoir perdu toute humanité, collés à quelques centimètres d’une télévision faisant désormais office de cerveau et de guide, scènes sanglantes au cœur de la banalité… La photographie intervient parfois dans le quotidien telle une semeuse de trouble. C’est sur Instagram que celui qui se cache sous le pseudonyme Availu présente ses mises en scène survoltées. Ce photographe d’à peine 22 ans, par ailleurs performeur et musicien, a grandi dans un contexte gouvernemental répressif et dictatorial, celui de la Russie – plus précisément à sa périphérie, à la frontière de la Chine. Availu s’empare du médium pour « protester contre la perception traditionnelle des choses qui nous entourent », selon ses mots. Son œuvre se veut réflexive : elle tend un miroir à son public. « Je souhaite croire qu’au contact de mes clichés, les gens se voient eux-mêmes », déclare-t-il. Concis et direct dans ses propos, le jeune artiste exhale une révolte intérieure contre la société de contrôle, qui se manifeste formidablement à travers le travail visuel qu’il réalise.

© Availu© Availu

Une vision cauchemardesque de l’humanité

Au-delà d’une soif de créativité apparue dès l’adolescence, l’art semble représenter, aux yeux d’Availu, un outil indispensable pour comprendre la complexité de la nature humaine, caractérisée en tout premier lieu par « l’injustice et la folie », nous confie ce grand pessimiste, établi à Saint-Pétersbourg. « Dans les images qui nous entourent au quotidien, nous sommes habitué·es à voir de belles formes stéréotypées. Mais le monde est fou. Avec mon travail, j’essaie de rappeler aux gens l’absurdité de notre existence », affirme-t-il sans ménagement. De façon plus radicale encore, l’art permettrait à chacun·e de reconnaître la stupidité et le mal constitutif de l’être, à l’origine de nos attitudes envers les un·es et les autres, et de notre mode de vie, et donc de ce qui en découle – des guerres au désastre environnemental.

Profondément politique, l’œuvre d’Availu décrit une société poliment, mais violemment totalitaire. De la bureaucratie et ses raideurs au bonheur artificiel prôné par la société de consommation, de l’absurdité d’un monde tiraillé par des injonctions contradictoires – entre capitalisme et tyrannie –, l’artiste trouve le ton juste dans un registre proche de l’horreur. Emprunts d’une ironie et d’une perspicacité terrassantes, ses clichés portent en eux une invitation à la rébellion face aux dictats d’une collectivité excessivement normée et rigide, qui érige le contrôle social et de soi-même en règle incontestable. Être heureux dans un monde qui astreint et soumet ? Pour Availu, voilà une chose strictement impossible. Seule solution, se lever.

© Availu

© Availu© Availu
© Availu© Availu

© Availu

© Availu© Availu
© Availu© Availu

© Availu

© Availu

Explorez
La sélection Instagram #422 : aux frontières du réel
© S I V A S H / Instagram
La sélection Instagram #422 : aux frontières du réel
Devenue en peu de temps un phénomène artistique, qui inquiète autant qu'il trouble, l'intelligence artificielle interroge les frontières...
03 octobre 2023   •  
Écrit par Lucie Guillet et Milena Ill
Zuzana Pustaiová joue de l’accordéon avec les stéréotypes 
One I Love You © Zuzana Pustaiová
Zuzana Pustaiová joue de l’accordéon avec les stéréotypes 
Son format intrigue et son contenu attire l’œil, le livre "One Day Every Day" de l’artiste slovaque Zuzana Pustaiová se compose de...
30 septembre 2023   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Erli Grünzweil objets et  histoires farfelues
© Erli Grünzweil
Erli Grünzweil objets et histoires farfelues
Installé à Vienne, Erli Grünzweil compose en images ce qu’il conçoit comme son « monde intermédiaire ». Un lieu incertain, où « tout est...
29 septembre 2023   •  
Écrit par Ana Corderot
Correspondances artificielles : Brea Souders se confie à une IA
© Brea Souders
Correspondances artificielles : Brea Souders se confie à une IA
S’intéressant à l’IA et à son évolution depuis plusieurs années, Brea Souders développe une fascination pour les chatbots et « les...
28 septembre 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Seahorse Parent : poésie des hommes enceints
© Miriam Guttmann
Seahorse Parent : poésie des hommes enceints
Miriam Guttmann met en lumière les « Seahorse Parent », hommage poétique à ces personnes qui bravent les dictats sociaux.
03 octobre 2023   •  
Écrit par Lucie Guillet
Elina Brotherus : une photographie performative
© Elina Brotherus
Elina Brotherus : une photographie performative
Elina Brotherus inaugure sa quatrième exposition personnelle dans la galerie Camara Oscura à Madrid. Jusqu’au 23 décembre, l’exposition...
03 octobre 2023   •  
Écrit par Costanza Spina
La sélection Instagram #422 : aux frontières du réel
© S I V A S H / Instagram
La sélection Instagram #422 : aux frontières du réel
Devenue en peu de temps un phénomène artistique, qui inquiète autant qu'il trouble, l'intelligence artificielle interroge les frontières...
03 octobre 2023   •  
Écrit par Lucie Guillet et Milena Ill
Like father, like son : façonner son identité
© Anna Aicher
Like father, like son : façonner son identité
Pour son projet en cours, Like Father, like son, Anna Aicher est allée à la rencontre de divers clubs traditionnels, se penchant sur les...
03 octobre 2023   •  
Écrit par Ana Corderot