Black Panthers et droits civiques… le combat continue (2/2)

13 décembre 2018   •  
Écrit par Anaïs Viand
Black Panthers et droits civiques… le combat continue (2/2)

Conçue par François Cheval et Audrey Hoareau et présentée à Lille, l’exposition Power to the People: The Black Panthers – Photographies de Stephen Shames propose une immersion au cœur du mouvement d’émancipation du peuple noir américain, à travers le regard militant de Stephen Shames. Voici la seconde partie de cet article, à retrouver dans notre dernier numéro.

Au cours de sa carrière, le photojournaliste de 71 ans n’a cessé de se battre pour « donner une voix à celles et ceux qui en sont privés ». En témoigne son travail autour des Black Panthers, depuis la création du mouvement, en 1966, jusqu’à sa disparition, en 1982. À la Maison Folie Moulins, à Lille, le visiteur découvre un récit personnel et politique construit depuis l’intérieur. Pendant sept ans, ce photographe blanc et d’origine juive a participé aux rassemblements du mouvement et a accompagné ses leaders, Huey Newton et l’« ami et mentor » de Shames, Bobby Seale. Une exposition autour du combat pour l’émancipation sociale et politique composée en cinq parties: Diriger, Rassembler, Lutter, Communiquer et Protéger. Un clin d’œil évident au Ten Points Program (la charte militante des Black Panthers).

« La première section consacrée aux leaders du parti a constitué la base de l’exposition, comme elle a constitué la base du mouvement », explique Audrey Hoareau, l’une des commissaires de l’exposition. « Rassembler » et « Lutter » regroupent des actions de contre-pouvoir, telles que les manifestations et les patrouilles d’autodéfense. « Communiquer » renvoie essentiellement au journal du mouvement: The Black Panther. Les clichés de Stephen Shames dévoilent le triple objectif de ce support: informer, éduquer et promouvoir le programme en dix points. En 1970, le tirage de la publication hebdomadaire varie entre 125 000 à 139 000 exemplaires. En 2018, l’exposition redonne vie au périodique en reprenant le format et la typographie pour son livre. Enfin, dans la dernière section de l’expo, sont abordés les programmes d’aides et de protection sociales des Black Panthers.

« Mes images n’ont pas fabriqué les Black Panthers – ils se sont faits eux-mêmes –, mais elles ont diffusé leur message à un large public. Elles prouvent que le mouvement existe », explique Stephen Shames. Dans une salle annexe de l’exposition, on peut voir et découvrir The Black Panthers : Vanguard of the Revolution, documentaire réalisé en 2015, qui donne la parole à d’anciens journalistes et membres du parti, afin d’en compléter l’histoire.

© Stephen Shames

Une vérité essentielle pour comprendre un monde complexe

« Dans l’imaginaire des gens, le sujet “Black Panther” continue d’être extrêmement gênant. Le mouvement est réputé armé et violent, alors qu’il fonctionnait dans le cadre légal de la constitution américaine. Comme Stephen Shames, nous voulions changer le regard des gens sur le parti en pointant, entre autres, les programmes sociaux. Stephen Shames a senti que les Black Panthers avaient, au quotidien, besoin de créer une archive. Une archive qui, un jour, rendrait compte de l’histoire du mouvement. Il savait qu’il y avait une histoire et une contre-histoire. Il contribuait à sa manière au mouvement »

, expliquent Audrey Hoareau et François Cheval. En documentant l’histoire de ce parti, Stephen Shames a étudié les effets du capitalisme sur nos sociétés: l’inégalité sociale, la pauvreté ou encore la division du peuple. « Nous vivons dans un monde dangereux, notamment à cause de la globalisation et de la suprématie d’Internet, déplore le photographe. Cinq entreprises concentrent l’information et donc le pouvoir : Apple, Amazon, Google, Microsoft et Facebook. Je ne suis pas un communiste et je n’ai rien contre les gens qui ont de l’argent, mais je pense que nous avons besoin d’une société qui enrichisse tout le monde. La photographie et l’art en général sont des outils puissants, certes, mais une prise de conscience et un mouvement politique sont indispensables pour créer le changement », ajoute-il.

Dans un monde régi par les images, les photos ont- elles toujours autant d’effets ? En ont-elles jamais eu un ? Selon les deux commissaires, « les images ne modifient pas les choses, mais permettent d’accompagner des convictions que les individus ont déjà. Le huitième art a dix fois moins de pouvoir que les actions de la Banque centrale. En revanche, c’est un outil de compréhension du monde, efficace sur le long terme. La photographie permet de rectifier un discours ou une vérité. Une vérité essentielle pour comprendre un monde complexe. Elle n’a que peu d’effet à l’instant T, elle n’est utile que pour écrire l’histoire. » Power to the People raconte en images la vérité de Stephen Shames et celle des Black Panthers, une vérité différente de celle du pouvoir et de l’histoire officielle.

Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #33, en kiosque et disponible ici.

© Stephen Shames

© Stephen Shames© Stephen Shames

© Stephen Shames© Stephen Shames

© Stephen Shames© Stephen Shames

© Stephen Shames

© Stephen Shames

Power to the People : The Black Panthers – Photographies de Stephen Shames


Jusqu’au 6 janvier 2019.

Maison Folie Moulins, 47/49, rue d’Arras, à Lille (59).
maisonsfolie.lille.fr

Explorez
3 questions à Juliette Pavy, photographe de l’année SWPA 2024
En plus de la douleur et des saignements, ces “spirales“ sont également à l’origine de graves infections qui ont rendu leurs victimes définitivement stériles. © Juliette Pavy
3 questions à Juliette Pavy, photographe de l’année SWPA 2024
À travers son projet sur la campagne de stérilisation forcée au Groenland entre 1966 et 1975, la photographe française Juliette...
29 avril 2024   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Hailun Ma, pour l'amour du Xinjiang
© Hailun Ma, Kashi Youth (2023) / Courtesy of the artist, Gaotai Gallery and PHOTOFAIRS Shanghai (25-28 avril, Shanghai Exhibition Centre)
Hailun Ma, pour l’amour du Xinjiang
Que savons-nous de la vie des jeunes de la province du Xinjiang, en Chine ? Probablement pas grand-chose. C’est justement dans une...
26 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Quand les photographes utilisent la broderie pour recomposer le passé
© Carolle Bénitah
Quand les photographes utilisent la broderie pour recomposer le passé
Les photographes publié·es sur Fisheye ne cessent de raconter, par le biais des images, les préoccupations de notre époque. Parmi les...
25 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les femmes s'exposent à Houlgate pour une nouvelle édition !
© Alessandra Meniconzi, Mongolia / Courtesy of Les femmes s'exposent
Les femmes s’exposent à Houlgate pour une nouvelle édition !
Le festival Les femmes s'exposent réinstalle ses quartiers dans la ville normande Houlgate le temps d'un été, soit du 7 juin au 1er...
24 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Nos derniers articles
Voir tous les articles
La sélection Instagram #452 : la danse sous toutes ses formes
© Aleksander Varadian Johnsen / Instagram
La sélection Instagram #452 : la danse sous toutes ses formes
Cette semaine, les photographes de notre sélection Instagram capturent les corps – et même les éléments – qui dansent à en perdre...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
3 questions à Juliette Pavy, photographe de l’année SWPA 2024
En plus de la douleur et des saignements, ces “spirales“ sont également à l’origine de graves infections qui ont rendu leurs victimes définitivement stériles. © Juliette Pavy
3 questions à Juliette Pavy, photographe de l’année SWPA 2024
À travers son projet sur la campagne de stérilisation forcée au Groenland entre 1966 et 1975, la photographe française Juliette...
29 avril 2024   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Les coups de cœur #490 : Guillaume Nedellec et Simona Pampallona
© Guillaume Nedellec
Les coups de cœur #490 : Guillaume Nedellec et Simona Pampallona
Nos coups de cœur de la semaine, Guillaume Nedellec et Simona Pampallona, nous plongent tous·tes deux dans une esthétique en...
29 avril 2024   •  
Dans l'œil de Gareth Phillips : le pin qui pleurait la Terre
© Gareth Phillips, Pinus Patula, The Mexican Weeping Pine, 2017
Dans l’œil de Gareth Phillips : le pin qui pleurait la Terre
Cette semaine, plongée dans l’œil de Gareth Phillips. L'œuvre du photographe tente notamment de répondre à l’urgence climatique qui hante...
29 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill