Brigitte Patient

04 novembre 2014   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Brigitte Patient
Brigitte Patient a attendu longtemps avant de voir aboutir son projet. Depuis 2012, elle présente “Regardez voir” sur France Inter, la seule émission de radio qui parle de photo.

Fisheye : Difficile de trouver des infos vous concernant sur le Web ! Quel a été votre parcours en radio ?

Brigitte Patient : J’ai commencé la radio parallèlement à un autre métier. J’étais dans l’Éducation nationale. J’avais fait des études d’instit à l’École normale de Bourges et j’étais très attirée par un truc qui n’avait pas grand-chose à voir avec cette formation : l’audiovisuel. On avait un prof qui nous faisait faire des exposés avec du son, des images. Ça a été un personnage très important pour moi car, je ne le savais pas encore, il était directeur d’une radio à Bourges. Il m’a proposé de faire des voix et c’est comme ça que j’ai découvert la radio. J’ai mené les deux activités en parallèle pendant quelques années, puis j’ai démissionné de l’Éducation nationale. Je suis venue à Paris où personne ne m’attendait. J’ai pu faire quelques remplacements par chance, puis j’ai rejoint la Radio Suisse Romande et la station Couleur 3. J’ai vécu en Suisse durant quatre ans et j’ai tout appris dans cette station qui était formidable d’impertinence. Finalement, ma vie était plutôt à Paris, donc j’ai démissionné en 1990, le cœur un peu lourd. J’ai été engagée sur la grille d’été de France Inter qui servait à tester les jeunes et ils m’ont gardée à la rentrée.

Jusqu’ici, pas de photo…

On ne va pas revenir sur toutes les émissions que j’ai faites depuis 1990, mais on peut observer que, dans tous mes projets, il y avait quelque chose autour de la photo, de l’image. Je m’arrangeais toujours pour interviewer un photographe, parler d’une actualité…

Brigitte-Patient
Brigitte Patient. © Christophe Abramowitz.

D’où vient cet intérêt pour la photographie ?

Ça vient de quelque chose de très personnel. Je me préoccupais de la photo depuis de longues années, en achetant des livres, en allant voir des expos. Je ne sais pas si ça vient de ma culture ou de mon éducation, mais j’ai toujours trouvé plus facile de regarder, d’explorer une photo plutôt que de la peinture ou de la sculpture. En 1975, j’ai été hallucinée par le travail d’Anders Petersen et j’ai acheté son livre Café Lehmitz. Je lui ai sorti mon exemplaire tout écorné quand je l’ai interviewé il y a un an. Quand j’étais à l’École normale, mes amis venaient plutôt des Beaux-Arts et certains faisaient de la photo conceptuelle. Puis quand je suis arrivée à Paris en 1982, je passais beaucoup de temps dans les galeries. Tout ce qui était autour de l’image m’intéressait. Il n’y a pas eu de rencontre déterminante. J’ai fait mon propre cheminement, avec les moyens du bord.

Comment est née l’émission “Regardez voir” ?

À France Inter, on est embauché sur une grille de septembre à juin et on propose nos projets. À partir de 2000, j’ai proposé presque tous les ans un projet sur la photo. Il était refusé chaque année. C’était balayé par un “Enfin, Brigitte ! Parler de photo à la radio…” Parfois, c’était un autre de mes projets qui était retenu. On me disait que c’était trop compliqué. Moi, j’expliquais que ce n’est pas plus difficile que de parler de cinéma ou d’écriture à la radio. Le principe même de la radio, c’est de se faire des images avec des mots, des voix, des silences… Finalement, le projet a été accepté en juin 2012. Je crois que j’ai été plus convaincante que les autres années. C’est dû aussi à l’importance de la photo aujourd’hui, ne serait-ce que par l’utilisation qu’on en fait tous quotidiennement, mais aussi avec la multiplication des expos, des festivals… C’était plus dans l’air du temps. Donc ça a commencé en septembre 2012 et nous sommes maintenant dans la troisième saison.

Pari gagné alors ?

Oui, mais encore aujourd’hui on me dit parfois “C’est un drôle de pari…” Il y a franchement quelque chose que je ne comprends pas puisqu’à la radio, on parle forcément de choses qui ne sont pas visibles ! L’idée est de faire vivre la photo, de la montrer à la radio en en parlant, de faire entrer l’auditeur dans le travail du photographe. Il y a toujours une marge d’erreur puisque j’essaie de faire apparaître une image dans l’imaginaire de l’auditeur en décrivant avec mes mots à moi. C’est très subjectif. Beaucoup de gens me disent qu’ils écoutent en regardant les photos sur notre site. D’autres vont voir les images après l’émission et s’aperçoivent de la grande différence entre leur imagination et la réalité. Ce décalage aussi est intéressant. L’intérêt du projet, c’est d’apprendre à regarder les images, de prendre le temps de stopper le flux qui nous arrive. Moi, j’aurais bien aimé qu’on m’apprenne à regarder l’image à l’école !

 Comment voyez-vous l’avenir ?

L’avenir est radieux ! J’ai vraiment envie de continuer. Avec une actu aussi impressionnante, je ne vois pas comment France Inter pourrait se passer d’une émission sur la photo. Je n’arrive pas à traiter tout ce qu’il y a à traiter. La photographie, c’est aussi une façon de voir le monde, de l’envisager par l’image. On peut parler de tous les sujets. C’est un moyen formidable d’informer et de toucher à l’artistique. L’émission est faite pour le grand public, pour des gens qui ne s’intéressent pas forcément à la photo mais qui vont, pendant trois quarts d’heure, entrer par l’image dans un monde qu’ils ne soupçonnaient même pas. Je trouve ça beau.

Explorez
La sélection Instagram #509 : promenade abracadabrantesque
© Ada Retegan / Instagram
La sélection Instagram #509 : promenade abracadabrantesque
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine convoquent l’étrange. Déformation, fuite de couleurs, surréalisme, chacun·e...
03 juin 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 26 mai 2025 : un autre regard sur le monde
Made in Hong Kong, de la série Huá biàn © Agathe Veidt
Les images de la semaine du 26 mai 2025 : un autre regard sur le monde
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye rendent hommage à Sebastião Salgado, évoquent le deuil, les déchets des...
01 juin 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Sidewalk Stills, les déchets des marchés de Charles Negre
Sidewalk Stills © Charles Negre
Sidewalk Stills, les déchets des marchés de Charles Negre
Dans Sidewalk Stills, le photographe français Charles Negre offre un regard sensible sur les déchets qui parsèment les sols des marchés...
29 mai 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Thomas Paquet : « imposer une économie de gestes »
© Thomas Paquet. Vignettage
Thomas Paquet : « imposer une économie de gestes »
À l’occasion du Paris Gallery Weekend, la Galerie Thierry Bigaignon présente, jusqu’au 31 mai 2025, une exposition personnelle de...
29 mai 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Nos derniers articles
Voir tous les articles
L’image comme manifeste au Moulin Blanchard
Le Beat Hotel, 9 rue Gît-le-Coeur, Chambre 41. Thelma Shumsky, scientifique américaine et son amie suédoise Gun, 1957 © Harold Chapman (TopFoto, Roger Viollet)
L’image comme manifeste au Moulin Blanchard
Le Moulin Blanchard rappelle que l’art peut encore être une arme intime et révoltée. Rien d’exhaustif : soixante ans après la Beat...
04 juin 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Les Mesnographies 2025 : la sororité comme cri de ralliement
© Thalía Gochez
Les Mesnographies 2025 : la sororité comme cri de ralliement
Du 7 juin au 14 juillet 2025, le festival Les Mesnographies revient pour une cinquième année dans le parc municipal des Mesnuls. Une...
04 juin 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Éléa-Jeanne Schmitter en zone trouble
© Éléa-Jeanne Schmitter
Éléa-Jeanne Schmitter en zone trouble
Die Tore – en allemand, « les portes » – a été publié dans le livre On Death édité par Humble Arts Foundation et Kris Graves Projects...
03 juin 2025   •  
Écrit par Milena III
La sélection Instagram #509 : promenade abracadabrantesque
© Ada Retegan / Instagram
La sélection Instagram #509 : promenade abracadabrantesque
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine convoquent l’étrange. Déformation, fuite de couleurs, surréalisme, chacun·e...
03 juin 2025   •  
Écrit par Marie Baranger